Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t1, 1892.djvu/291

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ces hommes ! ça ne croit à rien ! – peuvent « blaguer » la cérémonie chez le marchand de vins, il n’est pas moins vrai que tout à l’heure, à la paroisse, quand l’orgue jouait en sourdine et quand les enfants ont marché vers l’autel, en file indienne, les garçons d’un côté, les filles de l’autre, le cierge allumé à la main, toutes les mamans ont pleuré.

J’avais bien vite reconnu ma petite boiteuse dans le nuage blanc des communiantes. Était-ce à cause de sa béquille noire sur laquelle elle s’appuyait pour sautiller, ou à cause de la robe de veuve de sa pauvre vieille mère qui la tenait par la main ? Mais elle me sembla plus immaculée, plus pure, plus blanche que les autres. Elle me parut aussi plus émue, plus recueillie que ses compagnes ; son visage enfantin avait une expression naïve et mystique qui eût tenté le pinceau d’Holbein.

Ce jour-là, j’accentuai pour elle mon bonjour amical, et j’étais tout heureux, en m’éloignant, de penser qu’elle aussi avait eu sa robe blanche. Une robe blanche ! l’idéal de la parure pour les filles du peuple !

Depuis lors, plusieurs printemps ont fleuri et, par de belles matinées du mois de mai, plusieurs fois le vent parfumé a fait flotter les voiles blancs