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histoire

cachots de prisonniers, les maisons fortes de femmes et filles rasées ; les émigrations n’ont cessé qu’en 1755 et 1756. Les amendes rigoureusement exigées monteraient à des sommes exorbitantes, si on les calculait. Il n’y a guère plus de vingt-cinq ans qu’on ne tire plus à brûle-pourpoint sur les protestants assemblés pour prier Dieu. Voilà les cruautés que l’on laisse à nos neveux le pouvoir d’exécuter encore, si on leur conserve les lois pénales. — Nous avons en horreur la Saint-Barthélemi ; les étrangers le croiront-ils, s’ils nous voient garder un code fait par le même génie infernal, et qui pendant soixante ans a entretenu en France une Saint-Barthélemi perpétuelle. S’ils ne pouvaient pas nous appeler le plus barbare de tous les peuples, ils seraient fondés à juger que nous en sommes le plus inconséquent[1].


No II.[2]

La lettre qu’on va lire, émanée de l’intendant du Languedoc, Baville, en 1698, fut adressée par lui sans doute à un ecclésiastique qui demandait la grâce de quelques prisonniers, et peut-être à Fléchier, l’évêque de Nîmes. Nous plaçons ici un passage de l’Histoire des Camisards, par Antoine Court, passage historique, qui explique suffisamment à quelle occasion l’intendant du Languedoc écrivit la lettre que nous citons ci-après. On verra que, sauf quelques variantes dans les chiffres, il y a un entier accord entre les détails du pasteur et ceux du cruel intendant. Il faut d’abord remarquer que Louis XIV, immédiatement après la paix de Ryswick, rendit une déclaration qui défendait aux protestants du Languedoc ou Cévennes

  1. À ces tableaux des lois, si l’on veut joindre le tableau des malheurs personnels des familles, il faut lire le Journal de Jean Migault, nom que nous verrons reparaître dans l’Histoire de l’Église du désert ; c’est un tableau très-touchant des malheurs d’une famille protestante du Poitou, à l’époque de la révocation. (Voy. l’Édition de Niort, 1840, par le pasteur de Bray.) On souhaiterait plus de certitude, quant à l’origine et à l’existence du manuscrit authentique ; mais les détails et les scènes du récit sont d’une exactitude parfaite. Tout cela paraît vrai à force de paraître vraisemblable.
  2. Mss. Ls. M. le pasteur Lanthois a bien voulu enrichir notre collection de cette lettre autographe, très-curieuse et caractéristique, de l’intendant Baville.