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J’avoue que j’avoue que j’ai employé un artifice perfide pour qu’il pût me recevoir. Je comptois, en partant de Caen, le sacrifier sur la cime de la montagne, mais il n’étoit plus à la convention. Nous, si bons républicains qu’à Paris, l’on ne conçevoit pas comment une femme puérile, dont la plus longue vie ne seroit bonne à rien, peut sacrifier de sang-froid pour sauver son pays.

Je m’attendois bien à mourir dans l’instant.

Des hommes courageux et vraiment au-dessus de toute éloge m’ont préservé des fureurs bien excusables des malheureux que j’avois fait. Comme j’étois vraiement de sang-froid, je souffris des cris de quelques femmes ; mais qui sauve la patrie ne s’apperçoit pas de ce qu’il en coûte. Puisse la paix s’établir aussitôt que je le désire. Voilà un grand criminel à bas, sans cela, nous ne l’aurions jamais eu. Je jouis de la paix depuis deux jours.

Le bonheur de mon pays fait le mien ; je ne doute pas que l’on ne tourmente mon pere, qui a déjà assez de ma perte pour l’affliger. Je lui ai envoyé dernierement que, redoutant le feu de la guerre civile, j’irois en Angleterre ; mon projet étoit alors de garder à l’incognito la mort de Marat, en désirant aussitôt laisser les parisiens chercher inutilement mon nom.

Je vous prie, citoyen, vous et vos collègues, de prendre la défense de mes parens, si on les inquiète. Je n’ai jamais tué qu’un seul élu, et j’ai fait voir mon caractère. Ceux