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Page:Corday - Véritables lettres de Marie-Anne-Charlotte Corday.pdf/4

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gatoire ; Chabot avoit l’air d’un fou ; Legendre doutoit m’avoir vu le matin chez lui ; je n’ai jamais songé à cet homme, je ne lui connais d’assez grands moyens pour être le tyran de son pays, et je ne voulois pas punir tout le monde. Tous ceux qui me voyoient pour la première fois, prétendoient me connoitre depuis long-tems. Je crois qu’on a imprimé les dernières paroles de Marat ; je doute qu’il en ait proféré, mais voici les dernières qu’il m’a dites. Après avoir reçu vos noms à tous et ceux des administrateurs du Calvados, qui sont à Evreux, il dit pour me consoler que dans peu de jours ils vous feroient tous guillotiner à Paris.

Ces derniers mots décidèrent de son sort. Si le département met sa figure vis-à-vis celle de Saint-Fargeau, il pourra faire graver ces paroles en lettres d’or. Je ne vous ferai aucun détail sûr ce grand événement, les journaux vous en parleront. J’avoue que ce qui m’a décidé tout-à-fait, c’est le courage avec lequel nos volontaires se sont enrôlés dimanche 4 juillet. Vous vous souvenez comment j’en étois charmée, et je me promettois bien de faire repentir Pétion du soupçon qu’il manifesta sur mes sentimens. Est-ce que vous seriez fâchée s’ils ne partoient pas, me dit-il ? Enfin j’ai considéré que tant de braves gens venant à Paris pour chercher la tête d’un seul homme, qu’ils auroient peut-être manqué, ou qui auroit entraîné dans sa perte beaucoup de bons citoyens, il ne méritoit pas tant d’honneur : cela suffisoit de la main d’une femme.