Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/130

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D’un insolent discours ce juste châtiment
Ne lui servira pas d’un petit ornement[1].


Scène IV.

DON DIÈGUE[2].

Ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie !
N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers
Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ?
Mon bras, qu’avec respect toute l’Espagne admire,
Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire,
Tant de fois affermi le trône de son roi,
Trahit donc ma querelle, et ne fait rien pour moi ?
Ô cruel souvenir de ma gloire passée !
Œuvre de tant de jours en un jour effacée !
Nouvelle dignité, fatale à mon bonheur !
Précipice élevé d’où tombe mon honneur !
Faut-il de votre éclat voir triompher le Comte,
Et mourir sans vengeance, ou vivre dans la honte ?
Comte, sois de mon prince à présent gouverneur :
Ce haut rang n’admet point un homme sans honneur ;
Et ton jaloux orgueil, par cet affront insigne,
Malgré le choix du roi, m’en a su rendre indigne.
Et toi, de mes exploits glorieux instrument,
Mais d’un corps tout de glace inutile ornement,
Fer, jadis tant à craindre, et qui, dans cette offense,

  1. Var. [Ne lui servira pas d’un petit ornement.]
    don dièg. Epargnes-tu mon sang ? le comte. Mon âme est satisfaite,
    Et mes yeux à ma main reprochent ta défaite.
    don dièg. Tu dédaignes ma vie ! le comte. En arrêter le cours
    Ne seroit que hâter la Parque de trois jours (a). (1637-56)


    (a) Ce vers termine la scène dans les éditions indiquées.

  2. Var. don diègue, seul. (1637-60)