Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/131

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M’as servi de parade, et non pas de défense,
Va, quitte désormais le dernier des humains,
Passe, pour me venger, en de meilleures mains[1].


Scène V.

DON DIÈGUE, DON RODRIGUE.
Don Diègue.

Rodrigue, as-tu du cœur ?

Don Rodrigue.

Rodrigue, as-tu du cœur ? Tout autre que mon père
L’éprouveroit sur l’heure.

Don Diègue.

L’éprouverait sur l’heure. Agréable colère !
Digne ressentiment à ma douleur bien doux !
Je reconnois mon sang à ce noble courroux ;
Ma jeunesse revit en cette ardeur si prompte.
Viens, mon fils, viens, mon sang, viens réparer ma honte ;
Viens me venger.

Don Rodrigue.

Viens me venger. De quoi ?

Don Diègue.

Viens me venger. De quoi ? D’un affront si cruel,
Qu’à l’honneur de tous deux il porte un coup mortel :
D’un soufflet. L’insolent en eût perdu la vie ;
Mais mon âge a trompé ma généreuse envie :
Et ce fer que mon bras ne peut plus soutenir,
Je le remets au tien pour venger et punir.

  1. Var. [Passe, pour me venger, en de meilleures mains.]
    Si Rodrigue est mon fils, il faut que l’amour cède,
    Et qu’une ardeur plus haute à ses flammes succède :
    Mon honneur est le sien, et le mortel affront
    Qui tombe sur mon chef rejaillit sur son front (a). (1637-56)


    (a) Ce vers termine la scène dans les éditions indiquées.