Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/197

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Sans passer pour vaincu, sans souffrir un vainqueur.
On dira seulement : « Il adoroit Chimène ;
Il n’a pas voulu vivre et mériter sa haine ;
Il a cédé lui-même à la rigueur du sort
Qui forçoit sa maîtresse à poursuivre sa mort :
Elle vouloit sa tête ; et son cœur magnanime,
S’il l’en eût refusée, eût pensé faire un crime.
Pour venger son honneur il perdit son amour,
Pour venger sa maîtresse il a quitté le jour,
Préférant, quelque espoir qu’eût son âme asservie[1],
Son honneur à Chimène, et Chimène à sa vie. »
Ainsi donc vous verrez ma mort en ce combat,
Loin d’obscurcir ma gloire, en rehausser l’éclat ;
Et cet honneur suivra mon trépas volontaire,
Que tout autre que moi n’eût pu vous satisfaire.

Chimène.

Puisque, pour t’empêcher de courir au trépas,
Ta vie et ton honneur sont de foibles appas,
Si jamais je t’aimai, cher Rodrigue, en revanche,
Défends-toi maintenant pour m’ôter à don Sanche ;
Combats pour m’affranchir d’une condition
Qui me donne à l’objet de mon aversion[2].
Te dirai-je encor plus ? va, songe à ta défense,
Pour forcer mon devoir, pour m’imposer silence ;
Et si tu sens pour moi ton cœur encore épris[3],
Sors vainqueur d’un combat dont Chimène est le prix.
Adieu : ce mot lâché me fait rougir de honte.

Don Rodrigue[4].

Est-il quelque ennemi qu’à présent je ne dompte ?
Paroissez, Navarrois, Mores et Castillans,

  1. Var. Préférant, en dépit de son âme ravie. (1637 in-4o I., 37 in-12 et 38)
  2. Var. Qui me livre à l’objet de mon aversion. (1637-56)
  3. Var. Et si jamais l’amour échauffa tes esprits. (1637-56)
  4. Dans les éditions de 1637-60 et dans celle de 1692 : don rodrigue, seul.