Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/198

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Et tout ce que l’Espagne a nourri de vaillants ;
Unissez-vous ensemble, et faites une armée,
Pour combattre une main de la sorte animée :
Joignez tous vos efforts contre un espoir si doux ;
Pour en venir à bout, c’est trop peu que de vous.


Scène II.

L’INFANTE.

T’écouterai-je encor, respect de ma naissance,
T’écoutQui fais un crime de mes feux ?
T’écouterai-je, amour, dont la douce puissance
Contre ce fier tyran fait révolter mes vœux[1] ?
T’écoutPauvre princesse, auquel des deux
T’écoutDois-tu prêter obéissance ?
Rodrigue, ta valeur te rend digne de moi ;
Mais pour être vaillant, tu n’es pas fils de roi.

Impitoyable sort, dont la rigueur sépare
T’écoutMa gloire d’avec mes désirs !
Est-il dit que le choix d’une vertu si rare
Coûte à ma passion de si grands déplaisirs ?
T’écoutÔ cieux ! à combien de soupirs
T’écoutFaut-il que mon cœur se prépare,
Si jamais il n’obtient sur un si long tourment[2]
Ni d’éteindre l’amour, ni d’accepter l’amant !
Mais c’est trop de scrupule, et ma raison s’étonne[3]
T’écoutDu mépris d’un si digne choix :
Bien qu’aux monarques seuls ma naissance me donne,

  1. Var. Contre ce fier tyran fait rebeller mes vœux ? (1637-60)
  2. Var. S’il ne peut obtenir dessus mon sentiment. (1637-56)
  3. Var. Mais ma honte m’abuse, et ma raison s’étonne. (1637-60)