Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/205

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N’espère rien de moi, tu ne m’as point servie :
En croyant me venger, tu m’as ôté la vie.

Don Sanche.

Étrange impression, qui loin de m’écouter…

Chimène.

Veux-tu que de sa mort je t’écoute vanter,
Que j’entende à loisir avec quelle insolence
Tu peindras son malheur, mon crime et ta vaillance[1] ?


Scène VI.

DON FERNAND, DON DIÈGUE, DON ARIAS, DON SANCHE, DON ALONSE, CHIMÈNE, ELVIRE.
Chimène.

Sire, il n’est plus besoin de vous dissimuler
Ce que tous mes efforts ne vous ont pu celer.
J’aimois, vous l’avez su ; mais pour venger mon père[2],
J’ai bien voulu proscrire[3] une tête si chère :

    Songe que je suis fille aussi bien comme amante :
    Si j’ai vengé mon père aux dépens de ton sang,
    Du mien pour te venger j’épuiserai mon flanc ;
    Mon âme désormais n’a rien qui la retienne ;
    Elle ira recevoir ce pardon de la tienne.
    Et toi qui me prétends acquérir par sa mort,
    Ministre déloyal de mon rigoureux sort,
    [N’espère rien de moi, tu ne m’as point servie.] (1637-56)

  1. Var, [Tu peindras son malheur, mon crime et ta vaillance ?]
    ---Qu’à tes yeux ce récit tranche mes tristes jours ?
    ---Va, va, je mourrai bien sans ce cruel secours (a) ;
    ---Abandonne mon âme au mal qui la possède :
    ---Pour venger mon amant, je ne veux point qu’on m’aide (b). (1637-56)

    (a) Va, va, je mourrai bien sans ton cruel secours. (1644 in-12)

    (b) Ce vers termine la scène dans les éditions indiquées.
  2. Var. J’aimois, vous l’avez su ; mais pour venger un père. (1637-44 in-4o)
    ---Var. J’aimois, vous le savez ; mais pour venger un père. (1644 in-12)
  3. Les éditions de 1637 I., de 1638 P., de 1639 et de 1644 in-4o portent par erreur prescrire, pour proscrire.