Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/232

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sière[1]… Ce mouchoir est le testament écrit de son père, et elle dit au Roi en s’agenouillant : « Ces lettres qui sont empreintes dans mon âme, je veux les exposer à tes yeux : elles attirent dans les miens, comme un aimant, des larmes vengeresses, des larmes d’acier : »


A tus ojos poner quiero
letras que en mi alma están,
y en los mios como iman

sacan lágrimas de acero.

La phrase suivante de Castro eût assez bien comporté une citation textuelle de Corneille, car il n’a corrigé que tard, en 1660, l’imitation qu’il en avait faite.


« Immolez, non à moi, mais à votre couronne
...............

Tout ce qu’enorgueillit un si haut attentat[2]. »

Sa première leçon, longtemps conservée, disait ;


« Sacrifiez don Diègue et toute sa famille,

À vous, à votre peuple, à toute la Castille. »

C’était bien l’entraînement du texte espagnol :

« Et dût, en sa poitrine, la forteresse (de son cœur) s’épuiser à force de saigner, chaque goutte de ce sang doit coûter une tête[3]. »


Y aunque el pecho se de sangre
en su misma fortaleza,
costar tiene una cabeza

cada gota de esta sangre.

Rien de plus beau que la réplique de notre don Diègue, notamment le début : Qu’on est digne d’envie, etc…[4] Et n’est-ce pas là aussi de l’invention ?… Le don Diègue espagnol est tout à la joie d’avoir vu tuer son ennemi, et tout fier de sa joue frottée de sang. Il nous fournit un beau mouvement quand il invoque son droit d’offrir sa tête à la justice, en place de son fils ; mais l’allure roide et sautillante de son rhythme étroit ne sera jamais comparable à l’ampleur des formes de Corneille. Si le poëte valencien se plaignait que son imitateur ne l’a cité que par petits lambeaux de phrase, il faut

  1. Acte II, scène viii, vers 676.
  2. Ibidem, vers 693-696.
  3. Ici un faux sens est donné par l’intelligent traducteur la Beaumelle, d’après une édition fautive, qui devait être aussi celle de Corneille : « Et dût l’État perdre ses plus précieux appuis… » Il lisait probablement, ainsi que Corneille : « y aunque el Reyno… »
  4. Acte II, scène viii, vers 697.