Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/382

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rosité n’a jamais paru avec tant d’éclat que dans les effets de sa clémence et de sa libéralité. Ces deux rares vertus lui étoient si naturelles et si inséparables en lui, qu’il semble qu’en cette histoire, que j’ai mise sur notre théâtre, elles se soient tour à tour entre-produites dans son âme. Il avoit été si libéral envers Cinna, que sa conjuration ayant fait voir une ingratitude extraordinaire, il eut besoin d’un extraordinaire effort de clémence pour lui pardonner ; et le pardon qu’il lui donna fut la source des nouveaux bienfaits dont il lui fut prodigue, pour vaincre tout à fait cet esprit qui n’avoit pu être gagné par les premiers ; de sorte qu’il est vrai de dire qu’il eût été moins clément envers lui s’il eût été moins libéral, et qu’il eût été moins libéral s’il eût été moins clément. Cela étant[1], à qui pourrois-je plus justement donner le portrait de l’une de ces héroïques vertus, qu’à celui qui possède l’autre en un si haut degré, puisque, dans cette action, ce grand prince les a si bien attachées et comme unies l’une à l’autre, qu’elles ont été tout ensemble et la cause[2] et l’effet l’une de l’autre ? Vous avez des richesses,

    et il y avoit une fille à la Montauron qu’on disoit être mariée Tallemant quellement. » La fortune de Montauron ne suffit pas longtemps à ses prodigalités insensées, et bientôt Scarron put écrire le passage suivant, rapporté par M. Paulin Paris dans son commentaire sur Tallemant des Réaux (tome VI, p. 235) :

    Ce n’est que maroquin perdu
    Que les livres que l’on dédie
    Depuis que Montauron mendie ;
    Montauron dont le quart d’écu
    S’attrapoit si bien à la glu
    De l’ode ou de la comédie.

  1. Var. (édit. de 1648-1656) : Cela étant, ne puis-je pas avec justice donner le portrait de l’une de ces héroïques vertus à celui qui…
  2. Var. (édit. de 1648-1656) : tout ensemble la cause et l’effet l’une de l’autre ? Je le puis certes d’autant plus justement que je vois