Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/383

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mais vous savez en jouir, et vous en jouissez d’une façon si noble, si relevée, et tellement illustre, que vous forcez la voix publique d’avouer que la fortune a consulté la raison quand elle a répandu ses faveurs sur vous, et qu’on a plus de sujet de vous en souhaiter le redoublement que de vous en envier l’abondance. J’ai vécu si éloigné de la flatterie que je pense être en possession de me faire croire quand je dis du bien de quelqu’un ; et lorsque je donne des louanges (ce qui m’arrive assez rarement), c’est avec tant de retenue que je supprime toujours quantité de glorieuses vérités, pour ne me rendre pas suspect d’étaler de ces mensonges obligeants que beaucoup de nos modernes savent débiter de si bonne grâce. Aussi je ne dirai rien des avantages de votre naissance, ni de votre courage, qui l’a si dignement soutenue dans la profession des armes[1], à qui vous avez donné vos premières années ; ce sont des choses trop connues de tout le monde. Je ne dirai rien de ce prompt et puissant secours que reçoivent chaque jour de votre main tant de bonnes familles, ruinées par les désordres de nos guerres ; ce sont des choses que vous voulez tenir cachées. Je dirai seulement un mot de ce que vous avez

    votre générosité, comme voulant imiter ce grand empereur, prendre plaisir à s’étendre sur les gens de lettres, en un temps, etc. (voyez p. 372).

  1. C’est cette flatterie, supprimée par Corneille dès 1648 (voyez la note précédente), qui a fait dire à Scarron : « Soit que la nécessité soit mère de l’invention, ou que l’invention soit partie essentielle du poëte, quelques poëtes au grand collier ont eu celle d’aller chercher dans les Finances ceux qui dépensoient leur bien aussi aisément qu’ils l’avoient amassé. Je ne doute point que ces marchands poëtiques n’ayent donnée à ces publicains libéraux toutes les vertus, jusques aux militaires. » (Dédicace À très-honnête et très-divertissante chienne dame-Guillemette, petite levrette de ma sœur, en tête de : la Suite des œuvres burlesques de Mr Scarron, seconde partie. Paris, T. Quinet, 1648, in-4o).