Seule contre un tyran, en le faisant périr,
Par les mains de sa garde il me falloit mourir :
Je t’eusse par ma mort dérobé ta captive ;
Et comme pour toi seul l’amour veut que je vive,
J’ai voulu, mais en vain, me conserver pour toi,
Et te donner moyen d’être digne de moi.
Pardonnez-moi, grands Dieux, si je me suis trompée
Quand j’ai pensé chérir un neveu de Pompée,
Et si d’un faux-semblant mon esprit abusé
A fait choix d’un esclave en son lieu supposé.
Je t’aime toutefois, quel que tu puisses être[1] ;
Et si pour me gagner il faut trahir ton maître[2],
Mille autres à l’envi recevroient cette loi,
S’ils pouvoient m’acquérir à même prix que toi[3].
Mais n’appréhende pas qu’un autre ainsi m’obtienne.
Vis pour ton cher tyran, tandis que je meurs tienne :
Mes jours avec les siens se vont précipiter,
Puisque ta lâcheté n’ose me mériter.
Viens me voir, dans son sang et dans le mien baignée,
De ma seule vertu mourir accompagnée,
Et te dire en mourant d’un esprit satisfait :
« N’accuse point mon sort, c’est toi seul qui l’as fait ;
Je descends dans la tombe où tu m’as condamnée,
Où la gloire me suit qui t’étoit destinée :
Je meurs en détruisant un pouvoir absolu ;
Mais je vivrois à toi si tu l’avois voulu. »
Eh bien ! vous le voulez, il faut vous satisfaire,
Il faut affranchir Rome, il faut venger un père,
Il faut sur un tyran porter de justes coups ;