Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/466

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Scène II.

AUGUSTE, LIVIE, CINNA, ÉMILIE, FULVIE.
LIVIE.

Vous ne connoissez pas encor tous les complices
Votre Émilie en est, Seigneur, et la voici.

CINNA.

C’est elle-même, ô Dieux !

AUGUSTE.

C’est elle-même, ô Dieux ! Et toi, ma fille, aussi !

ÉMILIE.

Oui, tout ce qu’il a fait, il l’a fait pour me plaire[1], 1565
Et j’en étois, Seigneur, la cause et le salaire.

AUGUSTE.

Quoi ? l’amour qu’en ton cœur j’ai fait naître aujourd’hui
T’emporte-t-il déjà jusqu’à mourir pour lui ?
Ton âme à ces transports un peu trop s’abandonne,
Et c’est trop tôt aimer l’amant que je te donne. 1570

ÉMILIE.

Cet amour qui m’expose à vos ressentiments
N’est point le prompt effet de vos commandements ;
Ces flammes dans nos cœurs sans votre ordre étoient nées[2],
Et ce sont des secrets de plus de quatre années ;
Mais, quoique je l’aimasse et qu’il brûlât pour moi, 1575
Une haine plus forte à tous deux fit la loi ;
Je ne voulus jamais lui donner d’espérance,
Qu’il ne m’eût de mon père assuré la vengeance ;
Je la lui fis jurer ; il chercha des amis :
Le ciel rompt le succès que je m’étois promis, 1580

  1. Var. Oui, Seigneur, du dessein je suis la seule cause :
    C’est pour moi qu’il conspire, et c’est pour moi qu’il ose. (1643-56)
  2. Var. Ces flammes dans nos cœurs dès longtemps étoient nées. (1643-56)