Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/66

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bottes[1], vous vouliez écrire, et faire comparaison avec un des plus grands hommes de notre siècle pour le théâtre, et douter encore de l’approbation que le Cid a reçue au Louvre et à l’hôtel de Richelieu. Il paroît bien que votre règne n’est pas de ce monde ; voyez-le, Monsieur Claveret, et ouvrez vos oreilles bien grandes : vous entendrez ce qu’il y a de grands esprits en France de l’un et de l’autre sexe dire tout haut : « Voilà le plus bel ouvrage de théâtre que nous ayons vu jusqu’à présent, » Examinons un peu les vôtres en gros, car le détail n’en vaut pas la peine. Ne m’avouerez-vous pas que le voyage que vous faites faire aux Bons hommes à votre pèlerin amoureux[2] est une belle chose ? Je vous jure qu’il m’a pris cent fois envie de vous demander où votre fils Tadés et vous avez étudié, afin de me faire interpréter le langage de l’un, et apprendre les galimatias de l’autre ; car comme il arrive qu’il en échappe quelquefois sans y penser, j’aurois été ravi de les faire avec science comme vous. Je me serois bien mis auprès de Jodelet[3] pour le moins, et je m’assure qu’il s’en seroit servi mieux que les comédiens, qui n’ont jamais su faire valoir les vôtres, quelque art et quelque peine qu’ils y aient apportée. Votre Place Royale suit assez bien, et je vous confesse qu’elle fut trouvée si

  1. « Le lecteur, disent les frères Parfait, est bien le maître d’expliquer au propre ou au figuré le titre que l’on donne ici à Claveret de tireur de bottes, car pour nous ce sont lettres closes et impénétrables. » (Histoire du Théâtre françois, tome IV, p. 432, note a. Nous ignorons également à quoi cette phrase fait allusion et quel était l’état du père de Jean Claveret. Nous savons que ce dernier, originaire d’Orléans, portait le titre d’avocat, ce qui n’empêche pas l’auteur de la Lettre pour M. de Corneille, que nous reproduisons ci-après, de dire (voyez p. 57) que Claveret « dans ses plus grandes ambitions n’a jamais prétendu au delà de sommelier dans une médiocre maison. »)
  2. Le Pèlerin amoureux est une comédie non imprimée que les frères Parfait placent la seconde parmi les pièces de Claveret, mais dont ils ne donnent point l’analyse ; il est donc impossible de savoir à quoi se rapportent les observations critiques que nous trouvons ici. En 1634, c’est-à-dire à peu près à l’époque où dut être jouée la pièce de Claveret, Rotrou a fait représenter la Pèlerine amoureuse, tragi-comédie.
  3. Voyez sur Geoffrin, dit Jodelet, la Notice du Menteur.