Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/67

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bonne à Forges, que Mondory et ses compagnons qui en avoient les eaux dans la saison du monde la plus propre pour les boire, n’en voulurent jamais goûter : tout le monde n’entendra pas ceci peut-être ; c’est que vous avez fait une pièce intitulée les Eaux de Forges, que vous leur donnâtes, où il ne manquoit chose du monde, sinon que le sujet, la conduite, et les vers ne valoient rien du tout. À cela près c’étoit une assez belle chose[1]. Je sais bien que vous n’avez pas vendu vos ouvrages : ce n’étoit pas manque de pauvreté, ni d’en avoir demandé beaucoup de fois de l’argent ; mais c’est que les comédiens ne vous en ont jamais rien voulu donner : c’est ce que vous avez fait jusques ici. Et pour couronnement de chef-d’œuvre, vous faites une mauvaise lettre où vous tranchez du censeur, et, si je ne me trompe, du vaillant. Taisez-vous, Monsieur Claveret, taisez-vous, et vous souvenez que vous ne pouvez être ni l’un ni l’autre, et que votre personne est si peu considérable que vous ne devez jamais croire que M. Corneille ait eu envie de vous choquer. Vous croyez peut-être avoir fait un beau coup de mail quand vous dites : ou pour contenter les comédiens que vous servez. Chacun sait bien de quel biais il faut prendre cette façon de parler. Et il est très-vrai que ses soins et ses veilles leur ont rendu de si bons et profitables services, que je leur ai ouï dire hautement que jusques ici ils doivent à lui seul ce que le théâtre peut donner de bien. Vous ne ferez jamais de même, Monsieur Claveret, et je ne m’étonne pas de vous entendre dire que vous ne vous piquez pas de faire des vers : je vous crois. Néanmoins vous dites au même temps que ce que vous avez produit ne vous a point fait rougir de honte : c’est seulement un témoignage de votre effronterie, plutôt que de la bonté de vos ouvrages. Après tout, orateur et poëte de balle, souvenez-vous de n’intéresser personne en votre affaire, et que quand M. Corneille a dit :

Je ne dois qu’à moi seul toute ma renommée[2],


il a parlé raisonnablement et véritablement. Songez seulement, comme je vous ai déjà dit, à ce que vous êtes ; que vous n’avez

  1. Voyez la Notice de la Place Royale, tome II, p. 218, note 2.
  2. Excuse à Ariste, vers 50.