Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/504

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CLÉOPATRE.

J’en prends à la connoître, et la faire avorter ;
1455J’en prends à conserver, malgré toi, mon ouvrage
Des jaloux attentats de ta secrète rage.

SÉLEUCUS.

Je le veux croire ainsi ; mais quel autre intérêt
Nous fait tous deux aînés quand et comme il vous plaît ?
Qui des deux vous doit croire ? et par quelle justice
1460Faut-il que sur moi seul tombe tout le supplice,
Et que du même amour dont nous sommes blessés
Il soit récompensé, quand vous m’en punissez ?

CLÉOPATRE.

Comme reine, à mon choix je fais justice ou grâce,
Et je m’étonne fort d’où vous vient cette audace,
1465D’où vient qu’un fils, vers moi noirci de trahison,
Ose de mes faveurs me demander raison.

SÉLEUCUS.

Vous pardonnerez donc ces chaleurs indiscrètes :
Je ne suis point jaloux du bien que vous lui faites ;
Et je vois quel amour vous avez pour tous deux,
1470Plus que vous ne pensez, et plus que je ne veux :
Le respect me défend d’en dire davantage.
Je n’ai ni faute d’yeux, ni faute de courage,
Madame ; mais enfin n’espérez voir en moi[1]
Qu’amitié pour mon frère, et zèle pour mon roi.
Adieu.


Scène VII.

CLÉOPATRE.

1475Adieu.De quel malheur suis-je encore capable ?
Leur amour m’offensoit, leur amitié m’accable ;

  1. Var. Non, Madame ; et jamais vous ne verrez en moi. (1647-56)