Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/175

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Scène II


Phocas, Pulchérie, Crispe


Phocas

Enfin, Madame, il est temps de vous rendre.
Le besoin de l’Etat défend de plus attendre ;
Il lui faut des Césars, et je me suis promis
D’en voir naître bientôt de vous et de mon fils.
Ce n’est pas exiger grande reconnaissance
Des soins que mes bontés ont pris de votre enfance,
De vouloir qu’aujourd’hui, pour prix de mes bienfaits,
Vous daigniez accepter les dons que je vous fais.
Ils ne font point de honte au rang le plus sublime ;
Ma couronne et mon fils valent bien quelque estime.
Je vous les offre encore après tant de refus,
Mais apprenez aussi que je n’en souffre plus,
Que, de force ou de gré, je me veux satisfaire,
Qu’il me faut craindre en maître ou me chérir en père,
Et que, si votre orgueil s’obstine à me haïr,
Qui ne peut être aimé se peut faire obéir.

Pulchérie

J’ai rendu jusqu’ici cette reconnaissance
À ces soins tant vantés d’élever mon enfance,
Que tant qu’on m’a laissée en quelque liberté,
J’ai voulu me défendre avec civilité,
Mais, puisqu’on use enfin d’un pouvoir tyrannique
Je vois bien qu’à mon tour il faut que je m’explique,
Que je me montre entière à l’injuste fureur,
Et parle à mon tyran en fille d’empereur.