Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/176

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Il fallait me cacher avec quelque artifice
Que j’étais Pulchérie et fille de Maurice
Si tu faisais dessein de m’éblouir les yeux
Jusqu’à prendre tes dons pour des dons précieux.
Vois quels sont ces présents dont le refus t’étonne :
Tu me donnes, dis-tu, ton fils et ta couronne,
Mais que me donnes-tu, puisque l’une est à moi
Et l’autre en est indigne, étant sorti de toi ?
Ta libéralité me fait peine à comprendre :
Tu parles de donner, quand tu ne fais que rendre,
Et puisque avecque moi tu veux le couronner,
Tu ne me rends mon bien que pour te le donner.
Tu veux que cet hymen, que tu m’oses prescrire,
Porte dans ta maison les titres de l’empire,
Et de cruel tyran, d’infâme ravisseur,
Te fasse vrai monarque, et juste possesseur.
Ne reproche donc plus à mon âme indignée
Qu’en perdant tous les miens tu m’as seule épargnée :
Cette feinte douceur, cette ombre d’amitié,
Vint de ta politique, et non de ta pitié ;
Ton intérêt dès lors fit seul cette réserve ;
Tu m’as laissé la vie afin qu’elle te serve,
Et, mal sûr dans un trône où tu crains l’avenir,
Tu ne m’y veux placer que pour t’y maintenir ;
Tu ne m’y fais monter que de peur d’en descendre.
Mais connais Pulchérie, et cesse de prétendre :
Je sais qu’il m’appartient, ce trône où tu te sieds,
Que c’est à moi d’y voir tout le monde à mes pieds ;
Mais comme il est encor teint du sang de mon père,
S’il n’est lavé du tien, il ne saurait me plaire ;