Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/192

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De combattre l’amour et la reconnaissance.
Le secret est à vous, et je serais ingrat
Si, sans votre congé, j’osais en faire éclat,
Puisque, sans votre aveu, toute mon aventure
Passerait pour un songe ou pour une imposture.
Je dirai plus : l’empire est plus à vous qu’à moi,
Puisqu’à Léonce mort tout entier je le dois.
C’est le prix de son sang, c’est pour y satisfaire
Que je rends à la sœur ce que je tiens du frère.
Non que, pour m’acquitter par cette élection,
Mon devoir ait forcé mon inclination :
Il présenta mon cœur aux yeux qui le charmèrent,
Il prépara mon âme aux feux qu’ils allumèrent,
Et ces yeux tout divins, par un soudain pouvoir,
Achevèrent sur moi l’effet de ce devoir.
Oui, mon cœur, chère Eudoxe, à ce trône n’aspire
Que pour vous voir bientôt maîtresse de l’empire.
Je ne me suis voulu jeter dans le hasard
Que par la seule soif de vous en faire part :
C’était là tout mon but. Pour éviter l’inceste,
Je n’ai qu’à m’éloigner de ce climat funeste,
Mais si je me dérobe au rang qui vous est dû,
Ce sera par moi seul que vous l’aurez perdu ;
Seul je vous ôterai ce que je vous dois rendre.
Disposez des moyens et du temps de le prendre.
Quand vous voudrez régner, faites-m’en possesseur,
Mais, comme enfin j’ai lieu de craindre pour ma sœur,
Tirez-la dans ce jour de ce péril extrême,
Ou demain je ne prends conseil que de moi-même.