Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/200

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Scène VI


Martian, Léontine, Eudoxe


Martian

Madame, pour laisser toute sa dignité
À ce dernier effort de générosité,
Je crois que les raisons que vous m’avez données
M’en ont seules caché le secret tant d’années.
D’autres soupçonneraient qu’un peu d’ambition,
Du prince Martian voyant la passion,
Pour lui voir sur le trône élever votre fille,
Aurait voulu laisser l’empire en sa famille,
Et me faire trouver un tel destin bien doux
Dans l’éternelle erreur d’être sorti de vous,
Mais je tiendrais à crime d’une telle pensée.
Je me plains seulement d’une ardeur insensée,
D’un détestable amour que pour ma propre sœur
Vous-même vous avez allumé dans mon cœur.
Quel dessein faisiez-vous sur cet aveugle inceste ?

Léontine

Je vous aurais tout dit avant ce nœud funeste,
Et je le craignais peu, trop sûre que Phocas,
Ayant d’autres desseins, ne le souffrirait pas.
Je voulais donc, Seigneur, qu’une flamme si belle
Portât votre courage aux vertus dignes d’elle,
Et que, votre valeur l’ayant sur mériter,
Le refus du tyran vous pût mieux irriter.
Vous n’avez pas rendu mon espérance vaine,
J’ai vu dans votre amour une source de haine,
Et j’ose dire encor qu’un bras si renommé
Peut-être aurait