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400 DON SANCHE.

c’est-à-dire postérieurement au mois de janvier de 1650, il reste donc entre la représentation et l’impression un intervalle beaucoup plus court que pour les pièces précédentes. Enfin, suivant Corneille, « le refus d’un illustre suffrage » dissipa les applaudissements que le public avait donnés à cet ouvrage ; et dans l’édition de 1722. des Jugements des savants, de Baillet, ou cette phrase est citée, la Monnoye, dont le témoignage a une grande valeur, nous apprend qu’il s’agit de « Louis de Bourbon, prince de Condé[1] » Or le grand Condé, arrêté le 18 janvier 1650, passa treize mois dans les prisons de Vincennes, de Marcoussy et du Havre ; il ne pourrait donc avoir manifesté son opinion sur Don Sanche que si cette pièce avait été représentée à la fin de 1649 ou dès les premiers jours de 1650. On a, il est vrai, suspecté cette interprétation, et l’on a dit que le suffrage qui manqua à Corneille fut celui de la Reine ou de Mazarin, et que « Cromwell tua don Sanche[2]. Cette supposition toute gratuite, toute moderne, ne repose sur aucun témoignage, sur aucune induction ; et il est bien plus naturel de croire avec la Monnoye, Joly, Voltaire et M. Guizot, qu’il s’agit du grand Condé, alors, il est vrai, déterminé frondeur, mais fort jaloux en même temps de ses prérogatives, et aussi dédaigneux à l’égard du fils d’un pêcheur, que don Lope, don Manrique et don Alvar. Néanmoins, malgré l’importance qu’ont à nos yeux les observations que nous venons de soumettre au lecteur, comme il est certain que Corneille était déjà occupé Andromède dès 1648, que cette pièce a été certainement composée bien avant Don Sanche et que si Don Sanchel’a précédée au théâtre, comme tout le fait supposer, ce ne peut être que de fort peu de temps, nous avons jugé convenable de respecter l’arrangement adopté par Corneille.

Nous savons très-peu de chose sur l’histoire des premières représentations deDon Sanche ; et ce peu, c’est de Corneille que nous le tenons. Après avoir parlé dans son Examen tort que fit à cette pièce « le refus d’un illustre suffrage, » il ajoute qu’une telle disgrâce « anéantit si bien tous les arrêts que Paris et le reste de la cour avaient prononcés en sa faveur, qu’au bout de

  1. Tome V, p. 354, note.
  2. L´esprit du grand Corneille par François de Neufchâteau, p. 190.