Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/415

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quelque temps elle se trouva reléguée dans les provinces, où elle conserve encore son premier lustre. « C’est en 1660 que Corneille a écrit ces mots, et il les a maintenus dans toutes les réimpressions, jusqu’en 1682, ce qui fait penser qu’à cette dernière date Don Sanche n’avait pas encore reparu à Paris. Vers 1770, au contraire, cet ouvrage était considéré comme faisant partie du répertoire de la Comédie ; en effet, nous lisons dans le Journal du Théâtre françois[1] : « La… troupe royale représenta… une comédie héroïque nouvelle de Corneille, intitulée Don Sanche d´Aragon. Cette pièce eut d’abord un grand succès, mais à la quatrième représentation elle attira si peu de monde, que malgré tout ce que les comédiens alléguèrent pour la continuer, l’auteur la retira Cependant, ayant été reprise quelques années après à cause du succès qu’elle avait eu dans les provinces, elle fit tant de plaisir qu’elle fut fort suivie, et malgré les critiques elle est restée au théâtre… »

Déjà en 1754 on lit dans le Dictionnaire portatif des théâtres, à l’article consacré à cette pièce : « Elle a… été reprise de temps en temps. « La plus célèbre de ces reprises est celle de 1753. Nicolas Racot de Grandval, qui n’est plus guère connu que comme auteur du poëme intitulé Cartouche ou le vice puni, joua alors don Sanche avec un grand éclat. Forcé d’abandonner à Lekain, qui parut en 1750, les premiers rôles tragiques, « il se dédommagea, dit Lemazurier[2], aux reprises de Don Sanche d´Aragon en 1753, de Nicomède en 1754, et de Sertorius en 1758. Il y joua les principaux rôles de chacune de ces pièces, avec autant de succès que dans ses plus beaux jours. » Il remplissait encore le rôle de don Sanche au mois de février 1765 ; mais bientôt, en 1768, il prit sa retraite définitivement, et l’œuvre de Corneille demeura sans interprète.

Après un long oubli, il fut question, au commencement de 1814, de faire de nouveau figurer Don Sanche au répertoire de la Comédie française. Les deux principaux rôles devaient être joués par Fleury et Mlle Mars, doublés au besoin par

  1. Tome II, fol. 987 recto. — Ce qui nous fait adopter la date de 1770 pour ce manuscrit, c’est que, dans l’article consacré au Menteur, l’auteur dit que cette pièce plaît encore « après cent vingt-huit ans. »
  2. Tome I, p. 172.