Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/459

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Mais parce qu’il vous vient d’autre main que la mienne,
Et que je présumais n’appartenir qu’à moi
D’élever votre gloire au rang où je la vois.
Je me consolerais toutefois avec joie
Des faveurs que sans moi le ciel sur vous déploie,
Et verrais sans envie agrandir un héros,
Si le marquis tenait ce qu’a promis Carlos,
S’il avait comme lui son bras à mon service.
Je venais à la reine en demander justice ;
Mais puisque je vous vois, vous m’en ferez raison.
Je vous accuse donc, non pas de trahison,
Pour un cœur généreux cette tache est trop noire,
Mais d’un peu seulement de manque de mémoire.

CARLOS

Moi, madame ?

DONA ELVIRE

écoutez mes plaintes en repos.
Je me plains du marquis, et non pas de Carlos :
Carlos de tout son cœur me tiendrait sa parole ;
Mais ce qu’il m’a donné, le marquis me le vole :
C’est lui seul qui dispose ainsi du bien d’autrui,
Et prodigue son bras quand il n’est plus à lui.
Carlos se souviendrait que sa haute vaillance
Doit ranger Dom Garcie à mon obéissance,
Qu’elle doit affermir mon sceptre dans ma main,
Qu’il doit m’accompagner peut-être dès demain ;
Mais ce Carlos n’est plus, le marquis lui succède,
Qu’une autre soif de gloire, un autre objet possède,
Et qui du même bras que m’engageait sa foi,
Entreprend trois combats pour une autre que moi.