Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/464

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Que me veut donc enfin ce cœur ambitieux ?

DOM ALVAR

Que vous preniez pitié de l’état déplorable
Où votre long refus réduit un misérable.
Mes vœux mieux écoutés, par un heureux effet,
M’auraient su garantir de l’honneur qu’on m’a fait ;
Et l’état par son choix ne m’eût pas mis en peine
De manquer à ma gloire, ou d’acquérir ma reine.
Votre refus m’expose à cette dure loi
D’entreprendre un combat qui n’est que contre moi :
J’en crains également l’une et l’autre fortune.
Et le moyen aussi que j’en souhaite aucune ?
Ni vaincu, ni vainqueur, je ne puis être à vous :
Vaincu, j’en suis indigne, et vainqueur, son époux ;
Et le destin m’y traite avec tant d’injustice,
Que son plus beau succès me tient lieu de supplice.
Aussi, quand mon devoir ose la disputer,
Je ne veux l’acquérir que pour vous mériter,
Que pour montrer qu’en vous j’adorais la personne,
Et me pouvais ailleurs promettre une couronne.
Fasse le juste ciel que j’y puisse, ou mourir,
Ou ne la mériter que pour vous acquérir !

DONA ELVIRE

Ce sont vœux superflus de vouloir un miracle
Où votre gloire oppose un invincible obstacle ;
Et la reine pour moi vous saura bien payer
Du temps qu’un peu d’amour vous fit mal employer.
Ma couronne est douteuse, et la sienne affermie ;
L’avantage du change en ôte l’infamie.
Allez ; n’en perdez pas la digne occasion,
Poursuivez-la sans honte et sans confusion.