Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/465

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La légèreté même où tant d’honneur engage
Est moins légèreté que grandeur de courage ;
Mais gardez que Carlos ne me venge de vous.

DOM ALVAR

Ah ! Laissez-moi, madame, adorer ce courroux.
J’avais cru jusqu’ici mon combat magnanime ;
Mais je suis trop heureux s’il passe pour un crime,
Et si, quand de vos lois l’honneur me fait sortir,
Vous m’estimez assez pour vous en ressentir.
De ce crime vers vous quels que soient les supplices,
Du moins il m’a valu plus que tous mes services,
Puisqu’il me fait connaître, alors qu’il vous déplaît,
Que vous daignez en moi prendre quelque intérêt.

DONA ELVIRE

Le crime, Dom Alvar, dont je semble irritée,
C’est qu’on me persécute après m’avoir quittée ;
Et pour vous dire encore quelque chose de plus,
Je me fâche d’entendre accuser mes refus.
Je suis reine sans sceptre, et n’en ai que le titre ;
Le pouvoir m’en est dû, le temps en est l’arbitre.
Si vous m’avez servie en généreux amant
Quand j’ai reçu du ciel le plus dur traitement,
J’ai tâché d’y répondre avec toute l’estime
Que pouvait en attendre un cœur si magnanime.
Pouvais-je en cet exil davantage sur moi ?
Je ne veux point d’époux que je n’en fasse un roi ;
Et je n’ai pas une âme assez basse et commune
Pour en faire un appui de ma triste fortune.
C’est chez moi, Dom Alvar, dans la pompe et l’éclat,
Que me le doit choisir le bien de mon état.