Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/472

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DONA ISABELLE

Et l’autre ?

DOM LOPE

À moi.

DONA ISABELLE

J’ai donc tort parmi vous de vouloir faire un roi.
Allez, heureux amants, allez voir vos maîtresses ;
Et parmi les douceurs de vos dignes caresses,
N’oubliez pas de dire à ces jeunes esprits
Que vous faites du trône un généreux mépris.
Je vous l’ai déjà dit, je ne force personne,
Et rends grâce à l’état des amants qu’il me donne.

DOM LOPE

écoutez-nous, de grâce.

DONA ISABELLE

Et que me direz-vous ?
Que la constance est belle au jugement de tous ?
Qu’il n’est point de grandeurs qui la doivent séduire ?
Quelques autres que vous m’en sauront mieux instruire ;
Et si cette vertu ne se doit point forcer,
Peut-être qu’à mon tour je saurai l’exercer.

DOM LOPE

Exercez-la, madame, et souffrez qu’on s’explique.
Vous connaîtrez du moins Dom Lope et Dom Manrique,
Qu’un vertueux amour qu’ils ont tous deux pour vous,
Ne pouvant rendre heureux sans en faire un jaloux,
Porte à tarir ainsi la source des querelles
Qu’entre les grands rivaux on voit si naturelles.
Ils se sont l’un et l’autre attachés par ces nœuds
Qui n’auront leur effet que pour le malheureux :
Il me devra sa sœur, s’il faut qu’il vous obtienne ;
Et si je suis à vous, je lui devrai la mienne.