Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/473

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Celui qui doit vous perdre, ainsi, malgré son sort,
À s’approcher de vous fait encore son effort ;
Ainsi, pour consoler l’une et l’autre infortune,
L’une et l’autre est promise, et nous n’en devons qu’une :
Nous ignorons laquelle ; et vous la choisirez,
Puisqu’enfin c’est la sœur du roi que vous ferez.
Jugez donc si Carlos en peut être beau-frère,
Et si vous devez rompre un nœud si salutaire,
Hasarder un repos à votre état si doux,
Qu’affermit sous vos lois la concorde entre nous.

DONA ISABELLE

Et ne savez-vous point qu’étant ce que vous êtes,
Vos sœurs, par conséquent, mes premières sujettes,
Les donner sans mon ordre, et même malgré moi,
C’est dans mon propre état m’oser faire la loi ?

DOM MANRIQUE

Agissez donc enfin, madame, en souveraine,
Et souffrez qu’on s’excuse, ou commandez en reine ;
Nous vous obéirons, mais sans y consentir ;
Et pour vous dire tout avant que de sortir,
Carlos est généreux, il connaît sa naissance ;
Qu’il se juge en secret sur cette connaissance ;
Et s’il trouve son sang digne d’un tel honneur,
Qu’il vienne, nous tiendrons l’alliance à bonheur ;
Qu’il choisisse des deux, et l’épouse, s’il l’ose.
Nous n’avons plus, madame, à vous dire autre chose :
Mettre en un tel hasard le choix de leur époux,
C’est jusqu’où nous pouvons nous abaisser pour vous ;
Mais, encore une fois, que Carlos y regarde,
Et pense à quels périls cet hymen le hasarde.

DONA ISABELLE

Vous-même gardez bien, pour le trop dédaigner,
Que je ne montre enfin comme je sais régner.



Scène 5