Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/499

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Et pour plus de croyance à cette trahison,
Les comtes font traîner ce bonhomme en prison.
Carlos rend témoignage en vain contre soi-même ;
Les vérités qu’il dit cèdent au stratagème,
Et dans le déshonneur qui l’accable aujourd’hui,
Ses plus grands envieux l’en sauvent malgré lui.
Il tempête, il menace, et bouillant de colère,
Il crie à pleine voix qu’on lui rende son père :
On tremble devant lui sans croire son courroux ;
Et rien… Mais le voici qui vient s’en plaindre à vous.



Scène 5



CARLOS

Eh bien ! Madame, enfin on connaît ma naissance :
Voilà le digne fruit de mon obéissance.
J’ai prévu ce malheur, et l’aurais évité,
Si vos commandements ne m’eussent arrêté.
Ils m’ont livré, madame, à ce moment funeste ;
Et l’on m’arrache encore le seul bien qui me reste !
On me vole mon père ! On le fait criminel !
On attache à son nom un opprobre éternel !
Je suis fils d’un pêcheur, mais non pas d’un infâme :
La bassesse du sang ne va point jusqu’à l’âme ;
Et je renonce aux noms de comte et de marquis
Avec bien plus d’honneur qu’aux sentiments de fils :
Rien n’en peut effacer le sacré caractère.
De grâce, commandez qu’on me rende mon père.