Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/498

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Lui qui le reconnaît frémit de sa disgrâce ;
Puis laissant la nature à ses pleins mouvements,
Répond avec tendresse à ses embrassements.
Ses pleurs mêlent aux siens une fierté sincère ;
On n’entend que soupirs : « Ah ! Mon fils ! — Ah ! Mon père !
— Oh ! Jour trois fois heureux ! Moment trop attendu !
Tu m’as rendu la vie ! » et : « Vous m’avez perdu ! »
Chose étrange ! À ces cris de douleur et de joie,
Un grand peuple accouru ne veut pas qu’on les croie ;
Il s’aveugle soi-même ; et ce pauvre pêcheur,
En dépit de Carlos, passe pour imposteur.
Dans les bras de ce fils on lui fait mille hontes :
C’est un fourbe, un méchant suborné par les comtes.
Eux-mêmes (admirez leur générosité)
S’efforcent d’affermir cette incrédulité ;
Non qu’ils prennent sur eux de si lâches pratiques ;
Mais ils en font auteur un de leurs domestiques,
Qui pensant bien leur plaire, a si mal à propos
Instruit ce malheureux pour affronter Carlos.
Avec avidité cette histoire est reçue :
Chacun la tient trop vraie aussitôt qu’elle est sue ;