Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/564

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Le roi n’est qu’une idée, et n’a de son pouvoir
Que ce que par pitié vous lui laissez avoir.
Quoi ! même vous allez jusques à faire grâce !
Après cela, madame, excusez mon audace ;
Souffrez que Rome enfin vous parle par ma voix :
Recevoir ambassade est encor de vos droits ;
Ou si ce nom vous choque ailleurs qu’en Arménie,
Comme simple Romain souffrez que je vous die
Qu’être allié de Rome et s’en faire un appui,
C’est l’unique moyen de régner aujourd’hui ;
Que c’est par là qu’on tient ses voisins en contrainte,
Ses peuples en repos, ses ennemis en crainte ;
Qu’un prince est dans son trône à jamais affermi ;
Quand il est honoré du nom de son ami ;
Qu’Attale avec ce titre est plus roi, plus monarque,
Que tous ceux dont le front ose en porter là marque :
Et qu’enfin…

Laodice. Il suffit, je vois bien ce que c’est :
Tous les rois ne sont rois qu’autant comme il vous plaît ;
Biais si de leurs Etats Rome à son gré dispose,
Certes, pour son Attale elle fait peu de chose ;
Et qui tient en sa main tant de quoi lui donner
A mendier pour lui devrait moins s’obstiner.

Laodice. Suivez le roi, seigneur, votre ambassade est faite…
Pour un prince si cher sa réserve m’étonne :
Que ne me l’offre-t-elle avec une couronne ?
C’est trop m’importuner en faveur d’un sujet,
Moi qui tiendrais un roi pour un indigne objet,
S’il venait par votre ordre, et si votre alliance
Souillait entre ses mains la suprême puissance.
Ce sont des sentiments que je ne puis trahir :
Je ne veux point de rois qui sachent obéir ;