Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/582

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Et lui pourra sans doute épargner plus d’un crime.
Je ne demande point que par compassion
Vous assuriez un sceptre à ma protection,
Ni que pour garantir la personne d’Attale
Vous partagiez entre eux la puissance royale :
Si vos amis de Pionie en ont pris quelque soin,
C’était sans mon aveu, je n’en ai pas besoin.
Je n’aime point si mal que de ne vous pas suivre,
Sitôt qu’entre mes bras vous cesserez de vivre ;
Et sur votre tombeau mes premières douleurs
Verseront tout ensemble et mon sang et mes pleurs.

Prusias. Ah ! madame !

Arsinoé. Oui, seigneur, cette heure infortunée
Par vos derniers soupirs clora ma destinée ;
Et puisqu’ainsi jamais il ne sera mon roi,
Qu’ai-je à craindre de lui ? que peut-il contre moi ?
Tout ce que je demande en faveur de ce gage,
De ce fils qui déjà lui donne tant d’ombrage,
C’est que chez les Romains il retourne achever
Des jours que dans leur sein vous fîtes élever ;
Qu’il retourne y traîner, sans péril et sans gloire,
De votre amour pour moi l’impuissante mémoire.
Ce grand prince vous sert, et vous servira mieux,
Quand il n’aura plus rien qui lui blesse les yeux.
Et n’appréhendez point Rome, ni sa vengeance ;
Contre tout son pouvoir il a trop de vaillance :
Il sait tous les secrets du fameux Annibal,
De ce héros à Rome en tous lieux si fatal,
Que l’Asie et l’Afrique admirent l’avantage
Qu’en tire Antiochus et qu’en reçut Carthage.