Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/581

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Quand il se rend coupable, un peu plus haut se porte ;
Qu’il lui faut un grand crime à tenter son devoir,
Où sa gloire se sauve à l’ombre du pouvoir.
Soulever votre peuple, et jeter votre armée
Dedans les intérêts d’une reine opprimée ;
Venir, le bras levé, la tirer de vos mains
Malgré l’amour d’Attale et l’effort des Romains,
Et fondre en vos pays contre leur tyrannie
Avec tous vos soldats et toute l’Arménie ;
C’est ce que pourrait faire un homme tel que moi
S’il pouvait se résoudre à vous manquer de foi.
La fourbe n’est le jeu que des petites âmes,
Et c’est là proprement le partage des femmes.
Punissez donc, seigneur, Métrobate et Zenon ;
Pour la reine ou pour moi, faites-vous-en raison.
A ce dernier moment la conscience presse ;
Pour rendre compte aux dieux tout respect humain cesse ;
Et ces esprits légers, approchant des abois,
Pourraient bien se dédire une seconde fois.

Arsinoé. Seigneur…

Nicomède. Parlez, madame, et dites quelle cause
A leur juste supplice obstinément s’oppose ;
Ou laissez-nous penser qu’aux portes du trépas
Ils auraient des remords qui ne vous plairaient pas.

Arsinoé. Vous voyez à quel point sa haine m’est cruelle :
Quand je le justifie, il me fait criminelle.
Mais sans doute, seigneur, ma présence l’aigrit,
Et mon éloignement remettra son esprit ;
Il rendra quelque calme à son cœur magnanime,