Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/595

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Il n’est donc plus à craindre, il a pris ses victimes :
Sa fureur sur leur sang va consumer ses crimes ;
Elle s’applaudira de cet illustre effet,
Et croira Nicomède amplement satisfait.

Flaminius. Si ce désordre était sans chefs et sans conduite,
Je voudrais, comme vous, en craindre moins la suite ;
Le peuple par leur mort pourrait s’être adouci :
Mais un dessein formé ne tombe pas ainsi ;
Et suit toujours son but jusqu’à ce qu’il l’emporte :
Le premier sang versé rend sa fureur plus forte :
Il l’amorce, il l’acharné ; il en éteint l’horreur,
Et ne lui laisse plus ni pitié ni terreur.


Scène V

.


Prusias, Flaminius, Arsinoé, Attale, Cléone, Araspe
.


Araspe, Seigneur, de tous côtés le peuple vient en foule ;
De moment en moment votre garde s’écoule ;
Et, suivant les discours qu’ici même j’entends,
Le prince entre mes mains ne sera pas longtemps :
Je n’en puis plus répondre.

Prusias. Allons, allons le rendre
Ce précieux objet d’une amitié si tendre :
Obéissons, madame, à ce peuple sans foi,
Qui, las de m’obéir, en veut faire son roi ;
Et du haut d’un balcon, pour calmer la tempête,
Sur ses nouveaux sujets faisons voler sa tête.

Attale.