Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/605

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son devoir
Quand il veut entre nous partager le pouvoir.
Mais ne permettez pas qu’elle vous y contraigne :
Rendez-moi votre amour, afin qu’elle vous craigne :
Pardonnez à ce peuple un peu trop de chaleur
Qu’à sa compassion a donné mon malheur ;
Pardonnez un forfait qu’il a cru nécessaire,
Et qui ne produira qu’un effet salutaire.
Faites-lui grâce aussi, madame, et permettez
Que jusques au tombeau j’adore vos bontés.
Je sais par quel motif vous m’êtes si contraire :
Votre amour maternel veut voir régner mon frère ;
Et je contribuerai moi-même à ce dessein,
Si vous pouvez souffrir qu’il soit roi de ma main.
Oui, l’Asie à mon bras offre encor des conquêtes,
Et pour l’en couronner mes mains sont toutes prêtes.
Commandez seulement, choisissez en quels lieux ;
Et j’en apporterai la couronne à vos yeux.

Arsinoé. Seigneur, faut-il si loin pousser votre victoire,
Et qu’ayant en vos mains et mes jours et ma gloire,
La haute ambition d’un si puissant vainqueur
Veuille encor triompher jusque dedans mon cœur ?
Contre tant de vertu je ne puis le défendre ;
Il est impatient lui-même de se rendre.
Joignez cette conquête à trois sceptres conquis,
Et je croirai gagner en vous un second fils.

Prusias. Je me rends donc aussi, madame ; et je veux croire
Qu’avoir un fils si grand est ma plus grande gloire.
Mais parmi les douceurs qu’enfin nous recevons,