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me, & couverte en plusieurs endroits d’un lard qui a trois ou quatre doigts d’épais, & qui est fort bon à larder, & à faire tout ce que l’on fait de celuy d’un porc. Sa teste renferme quatre pierres, deux grosses & deux petites, ausquelles on attribuë la vertu de faire dissoudre la pierre dans la vessie, & jetter dehors le gravier des reins ; mais comme ce remede fait de grandes violences à l’estomac par le vomissement excessif qu’il cause, l’usage en est dangereux. Ce poisson vit d’une petite herbe qui croist auprés des roches & sur les basses qui ne sont couvertes que d’une brasse d’eau de mer ou environ. Il paist cette herbe comme le bœuf fait celle des prez ; & aprés qu’il s’est saoulé de cette pasture, il va chercher une riviere d’eau douce, où il boit & s’abreuve deux fois le jour. Lors qu’il a bien beu & bien mangé, il s’endort le muffle à demi-hors de l’eau, ce qui le fait connoistre de loin par les Pescheurs, qui se mettent trois ou quatre au plus dans un petit canot, que celuy qui est sur l’arriere, fait avancer aussi viste que s’il estoit poussé d’un petit vent & à demi-voile, en remuant la pelle de son aviron dans l’eau à droit & à gauche. Celuy qui doit darder l’animal est tout droit au devant du canot sur une petite planche, tenant à la main une maniere de pique qu’ils appellent Vare, dont le bout est emboisté dans un javelot ou harpon de fer. Il y en a un autre dans le milieu du canot, dont le soin est de disposer la ligne qui est attachée au Harpon, & de la faire filer quand on a frappé le Lamantin. Lors que le canot en est à trois ou quatre pas, sans que personne ait parlé de crainte de l’éveiller, parce qu’il a l’oüie tres-subtile, le Vareur darde son coup de toute sa force, & luy enfonce le harpon le plus qu’il peut dans la chair. Le Lamantin qui se sent frappé, bondit, & fait écumer la mer par tout où il passe, jusqu’à ce qu’ayant perdu la plus grande partie de son sang, il est obligé de s’arrester. Alors le Vareur tirant sa ligne pour s’en rapprocher, luy darde un second coup de harpon qui le reduit à l’extremité, de sorte que les Pescheurs l’entrainent facilement où ils veulent, s’il est trop grand pour le pouvoir embarquer dans leur canot. Si c’est une femelle qui ait des petits, on est assuré de les avoir, parce qu’ils sentent leur mere, & ne font que tournoyer autour du canot jusqu’à ce qu’on les ait pris. Quelques - uns disent qu’elles en ont deux tout à la fois, & d’autres qu’elles n’en ont qu’un. Aprés qu’elles l’ont produit, elles le portent toûjours avec elles, le tenant entre les deux pattes qu’elles ont, & l’allaitent dans la mer, comme une vache allaite son veau sur terre. Elles ont deux mammelles, entierement semblables en situation, en grandeur, grosseur, figure & substance, à celles des femmes noires. La chair de cet animal, qui est courte, vermeille, appetissante, & entremeslée de graisse, fait une bonne partie de la nourriture des Habitans de la Guadeloupe, de saint Christophe, de la Martinique, & des autres Isles voisines, où l’on en apporte tous les ans de la Terre-ferme plusieurs Navires chargez. La livre s’y vend une livre & demie de petun.

LAMBDOIDE. adj. Terme d’Anatomie. On appelle Lambdoide, la troisiéme suture vraye du crane, & cette epithete luy est donnée à cause que cette suture represente la lettre nommée par les Grecs λάμδα.

LAMBEAU. s. m. Morceau, piece d’une étofe déchirée. Acad. Fr. M. Menage fait venir ce mot de Lamina, dont on a fait Lamba, & Lambellum, ou de Limbus, qui veut dire la mesme chose. Borel croit qu’il vient de Flambe, comme Oriflamme Banniere de France.


Lambeau. Terme de Chasse. Peau veluë du bois d’un Cerf, que cet animal dépoüille en de certains temps.

Lambeau. Terme de Chapelier. Morceau de toile sur quoy on donne la forme au chapeau.

Lambeau ou Lambel. Termes de Blason. Sorte de brisure, la plus noble de toutes. Le Lambeau se forme par un filet qu’on met d’ordinaire au milieu & le long du chef de l’écu, & qui n’en touche point les extremitez. Sa largeur doit estre de la neuviéme partie du chef. Il est garny de pendans qui ressemblent au fer d’une coignée. Quand il y en a plus de trois, on est obligé d’en specifier le nombre. On en met quelquefois jusques à six dans les écus des cadets. Le Pere Menestrier dit que Lambel & Lambrequin, sont des mots venus de Labels & de Labeaux, que l’on disoit autrefois au lieu de Lambeaux ; que ces Labels estoient anciennement des rubans en forme d’Aiguillettes que les jeunes gens portoient au cou, comme aujourd’huy l’on y porte des cravates ; que ces rubans s’attachoient au col du heaume, & que lors qu’il estoit placé sur l’écu, il en couvroit la partie la plus haute, ce qui servoit à distinguer les Enfans de leurs Peres, à cause qu’il n’y avoit que les jeunes gens qui n’estoient pas encore mariez qui les portassent ; que c’est de là qu’est venu l’usage d’en faire les brisures & les marques de distinction, & que les Etrangers qui n’ont pas eu cet usage, luy ont donné divers-noms, les Italiens l’ayant nommé Rastello, Rateau, quelques Allemans Brucken, Ponts, & quelques Auteurs l’ayant pris pour des gouttes d’Architecture, dont on luy donne aujourd’huy communément la figure. Lambeau, dit Nicod, signifie une petite piece détaillée, soit de drap, velours ou autre étoffe, qui ne tient que de peu à autre chose. La descente de ce mot semble estre de Lamberare, Mettre en pieces, mais en fait d’armoiries, Lambeau est une espece de brisure, laquelle, comme Toison d’or, Roy d’armes du Duc de Bourgongne, a laissé par escrit, ne peut estre portée en escu, que par les fils aisnez seulement ; de sorte, comme il dit, que si à un pere survivent deux fils, le puisné ne peut prendre les Lambeaux, parce que son aisné se peut marier, & avoir un fils auquel les Lambeaux appartiennent. Quant au Lambel ou Lambeau, il est toûjours mis au chef de l’escu, par travers d’iceluy, a trois billettes pendans, comme il se voit en l’escu d’Orleans, & plusieurs autres. Aucuns tirent ce mot de Lemnisci, qui sont petites bandelettes de la naifve couleur de la laine dont elles sont faites, qui anciennement pendoient du cercle ou diademe des Couronnes, comme dit Festus.

LAMBIQUER. v. a. Vieux mot. Distiller.

Toute l’humeur qu’un Amant martyré
Peut lambiquer sous l’ardeur d’une flame.

LAMBIS. s. m. Grand Limaçon qui se trouve dans les mers des Isles de l’Amerique. Sa coque est si prodigieusement grosse, qu’on en voit qui pesent plus de six livres. Il semble que ce soit une petite roche, tant elle est rude & relevée en plusieurs endroits par de petites bosses ou pointes, hautes d’un pouce, & de la grosseur du doigt. Elles sont ouvertes par dessous, & faites d’un costé comme un lambeau de bord de chapeau. Tout le dedans est poly & luisant, & d’une couleur de chair fort vive. Les Sauvages les rompent par morceaux, & a force de les aiguiser sur des roches, ils en font de petites lames plates, & longues comme le doigt, & aprés les avoir percées, ils les pendent à leur col, ce qui leur paroist un ornement precieux. Dans cette coque est renfermé un gros Limaçon, qui tire une langue pointuë & longue d’un demy pied, dont