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SCÈNE IV.


TIRCIS, MÉLITE.


TIRCIS.


Maintenant que le sort, attendri par nos plaintes,
Comble notre espérance et dissipe nos craintes,
Que nos contentements ne sont plus traversés
Que par le souvenir de nos malheurs passés 344,
Ouvrons toute notre âme à ces douces tendresses
Qu’inspirent aux amants les pleines allégresses,
Et d’un commun accord chérissons nos ennuis,
Dont nous voyons sortir de si précieux fruits.
Adorables regards, fidèles interprètes
Par qui nous expliquions nos passions secrètes,
Doux truchements du cœur, qui déjà tant de fois
M’avez si bien appris ce que n’osoit la voix,
Nous n’avons plus besoin de votre confidence :
L’amour en liberté peut dire ce qu’il pense,
Et dédaigne un secours qu’en sa naissante ardeur
Lui faisoient mendier la crainte et la pudeur.


344. Var. Que par le souvenir de nos travaux passés,
Chassons-le, ma chère âme, à force de caresses ;
Ne parlons plus d’ennuis, de tourments, de tristesses
Et changeons en baisers ces traits d’œil langoureux
Qui ne font qu’irriter nos désirs amoureux.
[Adorables regards, fidèles interprètes
Par qui nous expliquions nos passions secrètes.]
Je ne puis plus chérir votre foible entretien :
Plus heureux, je soupire après un plus grand bien.
Vous étiez bons jadis, quand nos flammes naissantes
Prisoient, faute de mieux, vos douceurs impuissantes ;
Mais au point où je suis, ce ne sont que rêveurs
Qui vous peuvent tenir pour exquises faveurs :
Il faut un aliment plus solide à nos flammes,
Par où nous unissions nos bouches et nos âmes.
[Mais tu ne me dis mot, ma vie ; et quels soucis.] (1633-57)