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SUR DON SANCHE D'ARAGON 117

poème, et que le soiu quïme personne royale doit avoir de sa gloire fasse taire sa passion, comme en Don Sanche, s'il ne s'y rencontre point de péril de vie, de pertes d'États ou de bannis- sement, je ne pense pas qu'il y aye droit de prendre un nom plus relevé que celui de comédie ; mais, pour répondre aucunement fi la dignité des personnes dont celui-là représente les actions, je me suis hasardé d'y ajouter l'épithète de héroïque, pour le distin- guer d'avec les comédies ordinaires. Cela est sans exemple parmi les anciens , mais aussi il est sans exemple parmi eux de mettre des rois sur le théâtre sans quelqu'un de ces grands périls. Nous ne devons pas nous attacher si servilement à leur imitation, que nous n'osions essayer quelque chose de nous-mêmes, quand cela ne renverse point les règles de l'art. »

��CORNEILLE ET LE DRAME MODERNE

A propos de cette préface si curieuse de Don Sanche, comme ù propos de la pièce elle-même, on a souvent dit que Corneille était le créateur du drame moderne, le précurseur hardi des réformateurs du xvni« et du xix^ siècle, de Diderot et de Victor Flugo. Les frères Parfaict, qui ne pouvaient prévoir cette évolution du drame, disaient pourtant, après avoir critiqué le peu de vraisemblance du sujet, la catastrophe précipitée et trop romanesque, mais loué les beautés vraies dont brille l'ouvrage : « On ne peut refuser à M. Corneille la gloire d'avoir enrichi la scène d'un nouveau genre dramatique i. » — « Le drame est une invention de Pierre Cor- neille, >) dira plus tard Jules Janm 2, et il en donnera pour preuve le caractère plus romanesque qu'historique de Don Sanche et de Nicomède, avec raison pour Don Sanche, avec moins de raison pour Nico?nède, qui n'est point tout à fait " dans le goût de Don Sanche», quoi que prétende Voltaire.

��1. Histoire du théâtre français.

2. Jules Janin, Histoire de la itt^atiure dramatique.

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