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132 NICOMÈDE

« Filluin poslremo Nicomedem senalui commenduvil. >» Avec une hioiucillance souriante, le sénat lui accorde tout... à la ré- seive du leiriloire, qu'on lui fait seulement espérer. Pour INiconiéde, on lui tend une main amie. « Facile Nlcomndls com- 7ncnd(ilioneni accipere. Quanta cura regnm ainicorum libéras tucatiir popahis Romanus documcnlo Plokmxum, JEgyptiregem, esse. » Eux aussi, ies sénateurs jouent ici la comédie, et se di- sent tuteurs indulgents alors qu'ils sont maîtres impérieux. C'est ce que Corneille a très bien compris et fait comprendre ; c'est ce qu'après lui Bossuet confirmait. « Ils mettaient sous le joug les rois et les nations, sous couleur de les protéger et de les défendre'. » Montesquieu n'a guère fait que répéter Corneille et Bossuet lorsqu'il écrit : « Quoique le titre de leur allié fût une espèce de servitude, il était néanmoins très recherché : car on était sîir que l'on ne recevrait d'injures que d'eux, et l'on avait sujet d'espérer qu'elles seraient moindres. Ainsi, il n'y avait point de service que ies peuples et les rois ne fussent prêts à rendre, ni de bassesses qu'ils ne fissent pour l'obtenir 2. »

Lorsque Piusias, comblé de présents, qu'il refusa pour lui et accepta pour son fils Nicomède, quitta Rome après y avoir séjourné trente jours, il y laissa une réputation de servi- lité sur laquelle Polybe et Tite-Live sont d'accord : « Polybius eum regem indignum majestate nominis tanli tradit : pilealum, capite raso, obviam ire legatis solitiim, libertumque se populi Bomani ferre ; et ideo insignia ordinis ejiis gerere. Romse qiioque, quum veniret in ciiriam, siibmisisst^ se, et oscido limen curix con- tigisse ; et deos servatores suos senatum appellavisse, aliamque orationem non iam honorificam audicntibiis quam sibi deformem habiiissf. » Mais qu'on ne croie pas que Corneille ait dû se borner à enregistrer le témoignage des historiens. Le Prusias de l'histoire est une àrae basse et cupide , facilement cruelle, un tyran odieux à son peuple, un Oriental prêt à toutes les trahisons comme à toutes les lâchetés, allié des Romains parce que son intérêt l'y oblige, mais allié fort peu sûr et fort peu naïf. Appien raconte même que, tenté par les immenses richesses d'Altale, roi de Pergame. il lui déclara la guerre malgré la défense du sénat, qu'il s'obstina dans sa révolte et ne se soumit qu'à la dernière extrémité. Le Prusias toujours effaré de Corneille eût frémi à la seule idée d'une désobéis- sance à ses maîtres, à ses dieux. Pourquoi le poète a-t-il voulu que toute velléité d'indépendance lui devînt étrangère?

1. Discours sur l'histoire universelle, 3" partie.

2. Considérations sur la grandeur et la décadence des Romains, ch. yf.

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