Page:Corneille Théâtre Hémon tome4.djvu/16

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♦ ETUDE

uyme, l'avoue avec franchise, en félicitant ironiquement le public de sa délicatesse, a Certes, il y a de quoi congratuler à la pureté de notre théâtre, devoir qu'une histoire qui fait le plus bel orne- ment des Vierges de saint Ambroise se trouve trop licencieuse pour y être supportée. » Il reconnaît d'assez bonne grâce, quoique avec une nuance d'amertume, que la représentation de sa seconde tragédie chrétienne « n'a pas eu grand éclat i » ; mais ailleurs il s'en console en constatant que, si Théodore est oubliée à Paris, où on ne l'a jamais reprise depuis sa disgrâce, elle a réussi << assez passablement - » dans les provinces. Comme il accepte, du moins il le dit, le jugement du public, et comme pourtant il éprouve le besoin de guerroyer contre quelqu'un, il s'en prend aux ennemis aveugles du théâtre, dont les « invectives mal fondées » n'épargnent même pas des tragédies riches en exemples d'innocence, de vertu, de piété. Ces fanatiques se privent volontairement « du plus agréa- ble et du plus utile des divertissements dont l'esprit humain soit capable 3 ». Le poète a trop raison contre eux ; mais , dans sa candeur, il ne comprend pas que Théodore n'est pas le meilleur exemple qu'on puisse leur opposer.

Nous avons donné ailleurs * l'essentiel d'une pièce plus bizarre que touchante, erreur évidente de l'auteur de Po/yeuc^e. Observons ici que toutes les objections dirigées à tort contre Polyeucte attei- gnent Théodore. Déjà le zèle téméraire de Polyeucte pouvait alarmer quelques consciences; que dire de l'empressement farouche avec lequel la jeune Théodore « aspire au supplice »? Les bourreaux sont trop lents, à son gré ; en courant à la mort elle court à la vie.

On peut trouver bien absolue et bien froide la théorie de Les- sing lorsqu'il écrit : « Nous vivons aujourd'hui à une époque oii la voix de la saine raison retentit trop haut pour que tout furieux qui, sans nécessité et au mépris de tous ses devoirs civils, se jette de gaieté de cœur au-devant de la mort, puisse s'arroger le nom de martyr... Si le poète choisit un martyr pour en faire son héros, qu'il lui attribue les motifs les plus purs et les plus forts ; qu'il le place dans une nécessité inévitable de faire la démarche par laquelle il s'expose au péril ; qu'il ne lui fasse pas chercher la

1. Epitre de Théodore.

2. Examen de la Suite du Menteur.

3. Epitre; voyez pour le reste de cette épître l'étude d'ensemble qui ouvre le tome I<'^

4. Voyez l'Introduction de Polyeucte, 2» et 4' parties.

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