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206 NICOMEDE

De préférer AI taie au vainqueur de l'Asie :

Attale, qu'en otage ont nourri les Romains,

Ou plutôt qu'en esclave ont façonné leurs mains, 50

Sans lui rien mettre au cœur qu'une crainte servile , ^

Qui tremble à voir un aigle et respecte un édile 1 '^^ -'^^ -

��Plutôt, plutôt la mort, que mon esprit jaloux

Forme des sentiments si peu dignes de vous!

Je crains la violence, et non votre l'aiblesse; o'ô

Et si Rome une fois contre nous s'intéresse...

LAODICE.

Je suis reine, Seigneur, et Rome a beau tonner,

Elle ni votre roi n'ont rien à m'ordonner :

Si de mes jeunes ans il est dépositaire,

C'est pour exécuter les ordres de mon père : GO

Il m'a donnée à vous, et nul autre que moi

40. y ouvrir a ici Ifl sens d'élever, comme au v. i54. Corneille disait, phis hardiment encore, dans le Cid (o8!l) : « Son bras nourri dans les alarmes. ■> 51. Lekain corrige platement :

Sans rien inspirer plus à ce prince servile... F.t pourquoi cette correction malheureuse ? Parce qu'une crainte qui tremble lui paraît, comme à Voltaire, un vrai pléonasme. Nous n'y voyons qu'une har- diesse d'expression. Tous dt^ux avouent, du reste, que levers sui>ant est sublime, mais sans bien voir qu'il est sublime précisément par l'ironie méprisante, à demi familière, qu'ils condamnent en d'autres passages. Par cette hauteur de dédain Laoïliee s'élève au niveau de Nicomède, qu'elle est faite pour comprendre et pour aimer. 55. Var. Je crains leur violence et non votre faiblesse. (Ifiol-oS.) .")6. Etymologiqiiement, s'intéresser, c'est prendre part à quelque chose, pour ou contre quelqu'un, intervenir dans un sens favorable ou hostile. On peut donc s'intéresser pour et s'intéresser contre quelqu'un ou quelque chose. Cor- neille a employé les deux locutions.

Je sens déjà mon cœur qui pour lui s'intéresse. [Polyeucte, îl. 4.) Contre mon propre honneur mon amour s'iiitrrcsse. (Cid, 302.) Qu'ai-je fait, que le Ciel contre moi s'intéresse ? [Toison, 2135.)

57. Rome a beau tonner, a beau se déchaîner contre moi. Tonner dans ie sens (i& pai'ler avec véhémence est usité même en prose. " Le P. Bourdaloiie tonne à Siint-Jacques-la-Bouchorie. " (Sevigné à Bussy, -11 février 1679.'

SS. Elle ni votre roi n'ont... Il semble qu'avec ni le verbe doive être au sin- gulier ; mais au xyii" siècle le singulier et le pluriel étaient également admis en ces sortes de constructions :

Ni l'or ni la grandeur ne nous rendent heureux.

(La Fontaine, Philémon et Baucis.) Ni mon grenier, ni mon armoire Ne se riMiiplll à babiller. (Id., Fables, IV, 3.)

50. Cette tutelle de Prusias, comme l'observe Naudet, est une circonstance de l'invention du poète pour motiver les espérances et les complots de la reine Arsinoé.

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