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234 NICOMÈDE

Il doit son innocence à l'amour paternel;

C'est lui seul qui l'excuse et qui le justifie,

Ou lui seul qui me trompe et qui me sacrifie :

Car je dois craindre enlin que sa haute vertu 40o

Contre l'ambition n'ait en vain combattu,

Qu'il ne force en son cœur la nature à se taire.

Qui se lasse d'un roi peut se lasser d'un père ;

Mille exemples sanglants peuvent nous l'enseigner;

Il n'est rien qui ne cède à l'ardeur de régner, 410

Et depuis qu'une fois elle nous inquiète,

La nature est aveugle, et la vertu muette.

Te le dirai-je, Araspe? il m'a trop luen servi; Augmentant mon pouvoir, il me l'a tout ravi :

qu'à porter les derniers coups. Sans doute Araspe a beaucoup moins à faire pour exciter les défiances et les terreurs de Prusias. que Narcisse pour ramen'>r Néron du point ou l'avaient laissé les remontrances de Burrhus, au complot du fratricide. Mais il y a une remarquable analogie entre les artifices du Bithynien et ceux de l'affranchi :

Je me gavilerai bien «le tous en di-loiirner, • Seigneur, mais il s'est vu tantôt cmj» Isonncr. »

40o. Sa haute vertu est ironique • c'est une réplique à l'éloge perfide qu'au V 367 Araspe a fait de Nicomède, éloge répété à dessein au v. 400 pour aigrir Prusias en feignant de l'adoucir.

407. Il est curieux de voir Prusias appliquer à Nicomède, presque textuelle- ment, le vers que Nicomède a dit de Prusias dans la première scène. Mais ce vers, passant dans la bouche de Prusias, y prend je ne sais quoi de comique. Ce père fait sourire quand il parle des sentiments de la nature.

410. L'ardeur de régner, latinisme;

Si toulefois 5ans crime et sans m'en inilisner

Je puis nommer amour une nrdfurdc reijncr. {Don Snnchc, 10'».)

411. Depuis que, dès que :

Depuis qu'an vrai mérile a pu nous enflammer,

Sa présence toujours a droit de nous charmer. {Polycucte, G15.)

Les rois ne sont plus rois drpuis que leur puis.sanee

Laisse à la calomnie o;)[)rinier l'innocence. (Itotrou, Bélisnire, V, 5.)

On n'a donc pas besoin de corriger avec Lokain : « S'il faut qu'une fois. » Sans doute cette tournure est tombée en désuétude ; mais, dans son Lexique, M. (jo defroy n'a pas de peine à montrer, contre Voltaire, que Corneille, en l'employant, est dans la m:'illeure tradition de la langue. 11 citi^ un exemple caractéristique de -Malherbe : u Depuis qu'une fois on y a mis le pied, on peut dire qu'on a fait la principale partie du chemin. » {Lettre à M. Mentiit, 14 octobre 1616.) — In- quiéter avait alors un sens plus fort qu'aujourd'hui et plus voisin de l'étymologie 1 itine ; il équivalait à troubler profondément, tourmenter.

413. Ces confidences naïvement cyniques de Prusias rappellent celles de Félix à la scène y du lîl" acte de Polyeucte :

Te dirai-je un penser indigne, bas et lâche?

Mais Félix se rend plus justice à lui-même ; Prusias semble inconscient. Com- parez aussi les aveux semblables d'Orode dans Suréna. (Introduction, 111° partie.)

414. Tout, tout entier :

On (lit qne cette fol ne vont donne pas toute. (Tite, GV.)

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