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SUR ATTILA 511

Ils ne sont pas venus, nos deux rois? qu'on leur die

Qu'ils se font trop attendre, et qu'Attila s'ennuie;

Qu'alors que je les mande ils doivent se hâter.


Attila s'ennuie! Quel titre de drame contemporain ! et quelles promesses! Corneille en tient quelques-unes. Pourquoi donc, demande Octar, le capitaine des gardes d'Attila, pourquoi sur un projet de mariage consulter ces rois vassaux? C'est pour mieux les compromettre en les opposant, et pour mieux les perdre.


Car enfin j'aimerais un prétexte à leur perte;

J'en prendrais hautement l'occasion offerte.

Ce titre en eux me choque, et je ne sais pourquoi

Un roi que je commande ose se nommer roi.

Un nom si glorieux marque une indépendance

Que souille, que détruit la moindre obéissance;

Et je suis las de voir que du bandeau royal

Ils prennent droit tous deux de me traiter d'égal.


Pourquoi demander la main de deux princesses ? C'est pour avoir dans le présent deux alliances utiles, et dans l'avenir deux otages :


De ces cinq nations contre moi trop heureuses

J'envoie offrir la paix aux deux plus belliqueuses;

Je traite avec chacune; et comme toutes deux

De mon hymen offert ont accepté les nœuds,

Des princesses qu'ensuite elles en font le gage

L'une sera ma femme, et l'autre mon otage.

Si j'offense par là l'un des deux souverains,

Il craindra pour sa sœur qui reste entre mes mains.

Ainsi je les tiendrai l'un et l'autre en contrainte,

L'un par mon alliance et l'autre par la crainte.

Ou si le malheureux s'obstine à s'irriter,

L'heureux en ma faveur saura lui résister;

Tant que de nos vainqueurs terrassés l'un par l'autre

Les trônes ébranlés tombent au pied du nôtre.


Il est difficile de caractériser avec une netteté plus saisissante la politique qui se réduit par la formule célèbre : diviser pour régner.

C'est après cette première scène que s'ouvre la grande scène de la délibération; nous n'y reviendrons que pour préciser quelques traits du caractère d'Attila. Corneille, nous l'avons dit, a eu le tort grave de le faire amoureux ; mais cet amour, comme l'amour de

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