Page:Corneille Théâtre Hémon tome4.djvu/79

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

SUR AN DRU M EUE 67

Et la houte à vos fronts doit bien cette couleur,

Si tant de si beaux yeux ont pu manquer son cœur.

CKPHALIE.

Où les vôtres, Madame, épandent leur lumière, Cette honte pour nous est assez coutumière. Les plus vives clartés s'éfeignent auprès d'eux. Comme auprès du soleil meurent les autres feux ; Et pour peu qu'on vous voie et qu'on vous considère, Vous ne nous laissez point de conquêtes à faire.

ANDROMÈDE.

Vous êtes une adroite; achevez, achevez : C'est peut-être, en effet, vous qui le captivez; Car il aime, et j'en vois la preuve trop certaine. Chaque fois qu'il me parle il semble être à la gène ; Son visage et sa voix changent à tout propos ; 11 hésite, il s'égare au bout de quatre mots ; Ses discours vont sans ordre ; et plus je les écoute, Phis j'entends des soupirs dont j'ignore la route. Où vont-ils, Céphalic ? où vont-ils ? répondez.

CÉrHALIE.

C'est à vous d en juger, vous qui les cutendcz.

.Malgré une pointe de pi'éciosité, ou peut-être à cause de sa pré- ciosité même, ce dialogue rappelle ceux du Menteur. Il est inter- rompu par un chant qu'on entend derrière le théâtre : c'est le page de Phiuée, qui chante l'amour de Phinée pour Andromède, et qui précède de peu Phiuée lui-même, La nymphe Liriope y répond par un chant en l'honneur de Phinée, et le chœur joint sa voix aux voix unies de la nymphe et du page. Au milieu de cette allé- gresse éclate une nouvelle terrible : par trois fois, le sort a désigné Andromède pour victime. Tous s'émeuvent autour d'elle ; elle seule reste calme, et l'on peut juger même qu'elle se résigne bien vite. A Phinée hors de lui elle répond sans émotion apparente :

Assez souvent le Ciel par quelque fausse joie Se plaît à prévenir les maux qu'U nous envoie ; Du moins, il m'a rendu quelques moments bien doux Par ce flatteur espoir que j'allais être à vous. Mais puisque ce n'était qu une trompeuse attente, Gardez mon souvenir, et je mourrai contente.

Elle tient à son père un langage aussi ferme. Moins éloquent et majestueux, plus bref en tous cas que le père d'Iphigéuie, le père d'Andromède vient annoncer à sa fille l'arrêt fatal.

�� �