Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/110

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Goûtez enfin, goûtez la félicité pure
Que l’amour vous promit, que l’hymen vous assure.
Que de votre bonheur mes yeux soient les témoins ;
Les regards d’une mère en sont dignes, du moins.
Ma fille, vos destins sont unis avec d’autres ;
Embellissez des jours où s’attachent les vôtres.
Délassez un héros de ses travaux guerriers.
Vous reçûtes le jour à l’ombre des lauriers,
Le tumulte de Mars, la pompe militaire
Ne peut vous étonner ni vous être étrangère ;
La fille de Maurice en doit aimer l’éclat ;
Allez le contempler aux murs de Schelestadt ;
À quelqu’un de vos traits faites-y reconnaître
Le grand cœur du héros à qui vous devez l’être.
Voilà tous vos devoirs et les vœux que je fais ;
Mais, pour les remplir tous, ne m’oubliez jamais.

Je ne connais guère rien de plus moral que cet épithalame, et je doute que le plus beau chapitre sur les courtisanes puisse faire plus d’impression. L’inquiétude d’une mère d’être méprisée et reniée par sa fille prêche plus fortement les mœurs que le traité le plus éloquent.

— On a imprimé une Histoire des malheurs de la famille de Calas, jusqu’après le jugement souverain rendu pour leur justification le 9 mars 1765. Précédée de l’héroïde de Marc‑Antoine Calas à l’Univers. Brochure in-8o de plus de soixante pages[1]. J’ai oublié le nom du faiseur d’héroïdes qui fait ici encore l’office d’historien. On a dit avec raison que la tragédie d’Abbeville était encore plus déplorable que celle de Toulouse, en ce que le crime qu’on imputait faussement au vertueux et infortuné Jean Calas était du moins un crime réel, au lieu que les fautes qui ont coûté la vie au chevalier de La Barre n’étaient que des crimes imaginaires dont le châtiment devait être abandonné à la sévérité paternelle. L’auteur de l’histoire de Calas ne parle seulement pas du don que le roi a fait, après le jugement souverain, à cette respectable famille. Si ce rapsodiste était digne de l’emploi qu’il ose usurper, je lui apprendrais qu’il y a apparence que la souscription pour l’estampe de la famille Calas, malgré les traverses qu’elle a essuyées de la part du Parlement de Paris, produira au moins cinquante mille livres. Je félicite

  1. Par Édouard-Thomas Simon.