Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/172

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pour la consoler un moment de l’odieux despotisme sous lequel elle avait gémi et sous lequel elle retomba, la constitution de la monarchie française l’offre à l’Europe, sans interruption, depuis quatorze siècles. » Voilà qui est bien trouvé ! Ce spectacle n’a-t-il pas été bien admirable sous le débonnaire Louis XI, sous le tendre cardinal de Richelieu ? La France, avec sa constitution tant vantée, a eu précisément l’avantage de Rome sous ses empereurs, et de tous les empires de la terre, c’est-à-dire d’avoir été heureuse sous de bons rois, et d’avoir gémi sous le poids de l’oppression et de la calamité publique sous ses mauvais princes. Mais que les moments de bonheur ont été rares en France comme partout ailleurs ! À peine l’auteur en trouverait-il deux ou trois dans l’intervalle de ses quatorze siècles. Un auteur de droit public qui raisonne comme le nôtre peut se vanter d’être encore de trois ou quatre siècles en arrière de la bonne philosophie.

M. de Voltaire n’a pas gardé le silence dans la querelle de M. Hume avec M. Rousseau. Il a fait imprimer une petite lettre adressée à M. Hume, où il a, pour ainsi dire, donné le coup de grâce à ce pauvre Jean-Jacques. Cette lettre a eu beaucoup de succès à Paris, et elle a peut-être fait plus de tort à M. Rousseau que la brochure de M. Hume. Elle est écrite avec une grande gaieté. Je suis étonné que M. de Voltaire n’ait pas donné un précis plus exact de la première lettre de Jean-Jacques, qu’il rapporte. Elle commençait : « Je vous hais, parce que vous corrompez ma patrie en faisant jouer la comédie » ; et elle finissait : « Je frémis quand je pense que, lorsque vous mourrez sur les terres de ma patrie, vous serez enterré avec honneur ; tandis que, lorsque je mourrai dans votre pays, mon corps sera jeté à la voirie. » Cette petite lettre de M. de Voltaire a été réimprimée tout de suite à Paris[1]. On y a seulement retranché le passage suivant :

« Quelques ex-jésuites ont fourni à des évêques des libelles diffamatoires sous le nom de mandements. Les parlements les ont fait brûler. Cela s’est oublié au bout de quinze jours. »

Il faut placer ce passage après ces mots : « Il y a des

  1. Cette lettre de Voltaire à Hume, renfermant la lettre de Rousseau à Voltaire, se trouve dans la correspondance générale de ce dernier, à la date du 24 octobre 1766. Le passage cité ci-après y a été rétabli. (T.)