Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/23

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par l’abbé de Fleury[1]. On voit à la tête le portrait de ce pauvre abbé de Fleury, l’épaule gauche dévotement couverte de son manteau ; mais on a oublié de lui faire faire le signe de la croix de la main droite : car, à coup sûr, il se serait signé plus d’une fois en lisant son Abrégé, et à l’inspection de la première page de l’avertissement il aurait cru son abrégeur possédé par Belzébuth et consorts. Voilà donc la destinée de feu l’abbé de Fleury à peu près pareille à celle de feu l’abbé Bazin : ils ont trouvé, celui-ci un neveu éditeur, celui-là un neveu abrégeur. Fleury méritait bien cet honneur : c’était un honnête homme qui aimait la vérité historique par-dessus tout, et à qui elle arrachait des aveux qu’on n’aurait pas pardonnés aujourd’hui ; mais, de son temps, l’Église n’était pas encore ombrageuse comme aujourd’hui, et entendait mieux raillerie.

Nous avons souvent sollicité M. Hume, pendant son séjour en France, d’écrire une Histoire ecclésiastique. Ce serait en ce moment une des plus belles entreprises de littérature, et un des plus importants services rendus à la philosophie et à l’humanité. L’abbé Galiani serait peut-être, de tous les hommes en Europe aujourd’hui, le plus capable d’exécuter ce projet. M. de Voltaire n’a plus une vigueur de tête assez soutenue pour se charger d’un pareil travail, il tournerait son sujet trop du côté de la plaisanterie et du ridicule. En attendant, l’Abrégé dont nous parlons, quoique fait sèchement, peut servir. On attribue cet Abrégé à un monarque digne de toutes les couronnes, excepté de la couronne éternelle, dont le ciel veuille le préserver, lui et ses pareils !

— Il court depuis quelques jours en manuscrit un Mandement de l’archevêque d’Aix contre M. le marquis d’Argens, chambellan du roi de Prusse. Ce Mandement fait fortune : c’est une des meilleures plaisanteries qu’on ait faites depuis longtemps ; elle ne pouvait venir plus à propos. Je ne doute pas qu’elle ne rende les points d’orgue de nos prélats un peu moins fréquents. On dit que le roi de Prusse a pris cette tournure pour faire

  1. 1766, in-12, réimprimé en 1767, 2 vol. petit in-8o. Le titre de cet ouvrage dit qu’il est traduit de l’anglais ; c’est une petite supercherie des auteurs, qui sont, pour le corps de l’ouvrage, l’abbé de Prades, et, pour la préface, le roi de Prusse ; le tout a été compris dans le Supplément aux Œuvres posthumes de Frédéric, Cologne, 1789, (T.)