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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

éloquence simple et sublime, si opposée à la déclamation, éloquence très-rare en général, mais surtout ignorée des avocats. Mais tel qu’il est, on ne peut le lire sans intérêt, et, j’ose ajouter, M. de Beaumont n’était pas en état de l’écrire. Il y a des réputations si étranges, quand on est à portée de voir les choses de près ! Si celle de M. de Beaumont ne parvient à la postérité que par l’organe de M. de Voltaire, cet avocat sera admiré par nos neveux comme un des plus grands hommes de ce siècle. Le fait est que M. de Beaumont ne sait pas écrire dix lignes en français, que son style est plat, diffus, trivial, rempli d’incorrections et de solécismes ; que ce qu’il y a de bien dans ses mémoires pour les Calas et les Sirven appartient à de fort honnêtes gens qui, pour le bien de la chose, se sont tourmentés de donner à ces écrits un degré de perfection que l’auteur n’était pas en état de leur donner, et qui ont eu à chaque pas sa vanité et sa sottise à combattre. Il ne m’est pas même possible d’avoir bonne opinion du caractère moral de cet homme. Il a montré dans toute la procédure des Calas que, s’il a pris leur défense, c’est l’intérêt de sa réputation et non celui de la cause de ces infortunés qui le faisait agir. Aussi, n’y voyant pas le même motif, il a laissé traîner l’affaire des Sirven deux ans de suite, et pendant qu’il se fait le défenseur des protestants, il épouse une nouvelle catholique, et, en vertu de sa conversion, il veut profiter de la rigueur des lois portées contre les protestants, et rentrer, en vertu de ces lois, dans la possession des biens que le grand-oncle de sa femme à aliénés, il y a quarante ans, pour se réfugier en Angleterre. C’est un procès qu’il soutient actuellement contre l’acquéreur et le possesseur de ces terres. On peut gagner ce procès, mais on reste, à peu près déshonoré.


15 avril 1767.

L’Église de Dieu a été singulièrement en désarroi, depuis un mois ou six semaines, par l’étourderie du R. P. Marmontel, capucin de la province d’Auvergne, associé a la confrérie des puritains, qui tient ses assises au Louvre pour le maintien de la langue française en ses droits et prérogatives. Lequel capucin Marmontel, ayant réussi par ses menées à se faire nommer,