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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

offre de tout réparer par le mariage. La fortune, la condition, tout est à peu près égal entre les deux amants, et surtout leurs cœurs sont d’accord ; mais M. de Monnier est implacable. Qu’un père irrité poignarde dans le premier moment d’un juste courroux le jeune téméraire qu’il surprend dans le lit de sa fille, je le conçois ; mais qu’après ce premier mouvement passé il persiste à préférer un éclat fâcheux à l’honneur de sa fille, qu’il aime mieux couvrir son propre sang d’opprobre que de renoncer à une vengeance inutile, il faut être un de Monnier pour sentir et pour agir ainsi. Ce procès dure depuis plusieurs années. M. de Monnier a poursuivi l’amant de sa malheureuse fille de tribunal en tribunal. Il vient enfin de perdre son procès au Conseil en dernière instance, et ceux qui s’intéressent aux cœurs sensibles et trop tendres peuvent penser avec satisfaction que Mlle de Monnier, dès qu’elle aura atteint l’age de majorité, unira son sort à celui de son amant. En attendant, son père, trahi dans sa haine et dans l’espérance de se venger, est allé la deshériter immédiatement après la perte de son procès. J’ai eu l’honneur de vous parler dans le temps d’un premier mémoire fait en faveur de M. de Valdahon par M. Loyseau de Mauleon. Cet avocat vient d’en faire un second pour cette dernière instance. Ils sont l’un et l’autre très-intéressants, et méritent d’être conservés. M. Loyseau de Mauleon est un homme de beaucoup de mérite. C’est aujourd’hui la meilleure plume du barreau.

M. Coqueley, avocat, passe pour l’auteur d’un précis en six pages in-4°, pour le sieur Boucher de Villers, peintre de portraits, contre le sieur Costel, apothicaire[1]. Ce précis n’est cependant signé que par un procureur. C’est un tissu de mauvaises plaisanteries qui font rire malgré leur peu de finesse. L’apothicaire commande au peintre son portrait, pour lequel il s’engage de lui payer quatre louis. Quand le portrait est fait, il ne le trouve pas ressemblant, il chicane, il prétend avoir acquitté la plus grande partie du prix en drogues, etc. Enfin, le peintre est obligé de lui faire un procès pour l’obliger de retirer son portrait et d’en payer le prix convenu ; et l’avocat en prend son texte pour se divertir aux dépens de l’apothicaire.

  1. Réimprimé au tome Ier des Causes amusantes et connues.