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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

et les enfermer dans des couvents afin de les forcer de se faire catholiques ; c’est lorsque le clergé de France récompense cette action détestable par une pension ; c’est alors que la morale publique est en danger. C’est quand le mérite n’est plus recherché, quand la médiocrité ravit les honneurs qui lui sont dus, quand tout homme qui a du caractère et de l’âme est regardé comme suspect et dangereux, c’est alors que l’élévation, les vertus, le nerf et le mérite, disparaissent.

Je n’ai garde d’affliger votre vue en vous découvrant ici toutes les sources d’où découle la dépravation des mœurs publiques, et auxquelles Jean-Jacques Rousseau n’a pas eu le génie de remonter dans ses éloquentes déclamations. Dormons plutôt avec cette idée consolante que toute l’Europe s’achemine vers une époque ou les droits de l’humanité seront mieux connus et reposeront sur leur propre force ; ou une foule d’abus et de mauvaises lois tomberont, ainsi que leurs défenseurs, dans un discrédit total. Quant à ce qui concerne les protestants de France, on dit que le gouvernement s’occupe actuellement de la rédaction d’un édit qui doit mettre fin aux désordres dont Jacques Roux a donné un nouvel exemple, et qui doit rendre les mariages entre protestants valides et assurer l’état civil et la légitimité de leurs enfants. Si le bon génie de la France permet que les conseils de M. le due de Choiseul soient suivis, tout bon Français est bien sur que ce ministre, plein de générosité dans ses procédés, plein d’élévation dans ses vues, réparera le tort et guérira les blessures profondes que le fanatisme a faites à ce royaume par la révocation de l’édit de Nantes.

— Vous avez vu le premier chant de la Guerre de Genève ; vous allez lire le troisième chant de ce poëme. Ce sont les seuls que M. de Voltaire ait communiqués à ses amis ; et comme ils l’ont peu encouragé à poursuivre cette entreprise, elle paraît aujourd’hui abandonnée. Les Genevois ont prétendu qu’il n’était pas trop bien à M. de Voltaire de s’égayer aux dépens d’une ville en proie à la discorde, et dont les principaux citoyens lui ont donné tant de marques d’amitié et d’intérêt ; et il y aurait bien quelque chose à dire à ce procédé, si les poëtes pouvaient être rendus responsables de leurs saillies.

M. Petit, docteur régent de la faculté de médecine de Paris, homme savant et très-bon esprit, le même qui, l’année